Pardonnable, Impardonnable, le dernier roman de Valérie Tong Cuong s’ouvre par cette citation d’Albert Camus : « Comment être pardonné jamais, si on ment, puisque l’autre ne sait pas qu’il y a quelque chose à pardonner. Il faut donc dire la vérité au moins une fois avant de mourir – ou accepter de mourir sans être jamais pardonné. Quelle mort plus solitaire pourtant que celle de celui qui disparaît, refermé sur ses mensonges et ses crimes ».
Révéler ce qui a été caché, accepter enfin d’ouvrir les yeux, oser avouer la vérité, assumer les conséquences de ses actes, pardonner ce qui est impardonnable, tels sont les thèmes de ce poignant et superbe roman choral de l’auteure de Providence.
La famille de Milo, un garçon de douze ans, vivait dans un statu quo confortable. Chacun des adultes qui l’entourait, avait ses secrets, ses blessures, ses mensonges mais tout ce petit monde s’en accommodait.
Dès la première page du roman, ce fragile équilibre vole en éclat : Alors qu’il se promène à vélo, avec sa jeune tante Marguerite, sur une route de campagne, Milo chute et se blesse grièvement. Ses parents Céleste et Lino et sa grand-mère Jeanne se précipitent à son chevet. C’est l’incompréhension, la douleur de découvrir que celui dans lequel chacun a projeté sa part de rêve est plongé dans le coma et se bat entre la vie et la mort. Très vite, on passe de la douleur à la colère.
Pourquoi Milo n’est-il pas resté, à la maison de vacances, faire ses devoirs avec sa tante, ce qui était initialement prévu ? Pourquoi cet après-midi-là, ses parents et sa grand-mère ont-ils prétexté de s’absenter pour choisir le nouveau carrelage de la piscine alors qu’il s’agissait en fait de bien autre chose ?
Tandis que la tristesse et l’angoisse montent autour de l’état de santé de Milo, resurgissent peu à peu les mensonges, les frustrations, les non-dits et les blessures mal cicatrisées …
L’amour que chacun porte à Milo ne suffira pas à endiguer la déflagration. A la manière d’un grand compositeur italien, Valérie Tong Cuong nous offre un recueil de 5 concertos, des plus sombres au plus généreux : Après les chapitres sur la colère, la haine, et la vengeance, viendront ceux sur l’amertume et enfin le pardon.
Comment après la fureur, la rancune et les règlements de compte, avoir chacun le courage d’affronter ses démons, ses mensonges et ses faiblesses ? Car Pardonnable, Impardonnable, c’est aussi l’histoire d’une promesse absolue et réciproque entre deux êtres qui se sont promis d’être toujours là l’un pour l’autre quoi qu’il arrive.
Ce qui est superbe dans ce roman de Valérie Tong Cuong, comme dans beaucoup de ses récits, c’est que chaque personnage à sa part d’ombre et de souffrance, mais aussi sa part de vérité et de lumière. Cette magnifique romancière donne à chacun la parole, permettant ainsi au lecteur de mieux comprendre leurs fêlures, leurs mystères, leurs rêves et leurs secrets.
Valérie Tong Cuong est une virtuose du rythme, de l’harmonie fragile, de la complexité des sentiments et du clair-obscur. Malgré les drames, la mort qui rôde, et les souffrances, son optimisme et sa générosité sont plus forts que tout et nous emportent jusqu’au bout du bonheur.
(Pardonnable, Impardonnable de Valérie Tong Cuong, Editions Jean-Claude Lattès, sortie le 7 janvier 2015).
Guy Jacquemelle
Les précédents romans de Valérie Tong Cuong:
– Big (1997, Nil Editions, J’ai Lu 1999), récompensé au festival du Premier roman de Chambéry
– Gabriel (1999, Nil Editions, J’ai Lu 2001)
– Où je suis (Grasset, 2001, J’ai Lu 2006)
– Ferdinand et les Iconoclastes (Grasset, 2003, J’ai Lu 2006)
– Noir dehors (Grasset, 2006, Le livre de Poche, 2007)
– Providence (Stock, 2008), prix « Roman de l’année 2008 » Version Femina – Virgin Megastore
– L’Ardoise Magique (Stock, 2010)
– La Battle ( Les Editions du Moteur, 2011)
– L’atelier des miracles (Editions Jean-Claude Lattès, 2013)
photo Francesca Mantovani
En savoir plus:
Providence de Valérie Tong Cuong
L’Ardoise magique de Valérie Tong Cuong
La Battle de Valérie Tong Cuong