Stefan Zweig en 1910
photo du centre culturel autrichien de Paris
« Je suis né en 1881 dans un grand et puissant empire, la monarchie des Habsbourg; mais qu’on ne le cherche plus sur une carte; il a été effacé sans laisser de trace. J’ai été élevé à Vienne, la métropole deux fois millénaire, capitale de plusieurs nations, et il m’a fallu la quitter comme un criminel avant qu’elle ne fût ravalée au rang d’une ville de province allemande ». Stefan Zweig, Le Monde d’hier
Né à Vienne, en 1881, dans une famille de la grande bourgeoisie juive, Stefan Zweig se passionne très jeune pour la poésie, la littérature et le théâtre. Ami de Rilke, de Freud, d’Emile Verhaeren, et de Romain Rolland, il est un humaniste sincère et un pacifiste très attaché à la culture européenne . L’atmosphère cosmopolite de la Vienne des Habsbourg développe chez lui le goût des voyages, et toute sa vie il parcourra les pays d’Europe, l’Amérique du Nord, le Mexique, Cuba, les Indes, Ceylan et l’Afrique… A ce pacifiste féru d’échanges intellectuels au delà des nationalités, la première guerre mondiale fait l’effet d’un traumatisme. Au lendemain de celle-ci, Zweig connaît un succès international qui jamais ne le grisera . Comme l’écrit Dominique Bona dans la biographie qu’elle lui consacre (Stefan Zweig, l’Ami blessé) : « Au contraire de poètes imbus de leur génie et de leur personne, narcisses amoureux de leur image et de leur moindre écrit, Zweig est un artiste dont l’humilité est sincère et qui évite de s’admirer lui-même. Selon le mot de Gorki, « il ne se préfère pas ». Capable de rester ouvert aux autres et d’admirer leur talent, il sera le moins égocentrique des écrivains. «
Ses recueils (Amok 1922 ; La Confusion des sentiments, 1926, Légendes ; 1931) révèlent sa maîtrise de l’analyse des sentiments troubles, des secrets dévastateurs et un regard critique sur la morale sociale. Il donne aussi des essais sur Balzac, Dickens et Dostoïevski, incarnations majeures selon lui de l’Europe culturelle (Trois Maîtres, 1919), sur Hölderlin, Kleist et Nietzsche (Lutte avec les démons, 1925) et aussi sur des destins sacrifiés (Marie-Antoinette, Marie Stuart, Magellan…)
En 1933, Hitler est nommé chancelier en Allemagne. C’est l’année de l’adaptation cinématographique de sa nouvelle Brûlant secret qui attise la colère des nazis. Ils ne supportent ni le livre, ni le film. Un autodafé des livres de Stefan Zweig a lieu à Berlin. Son opposition au régime hitlérien se manifeste aussi en 1934 dans son Érasme : grandeur et décadence d’une idée, qui révèle ses convictions humanistes. Cette même année, Stefan Zweig vient s’installer à Londres pour y poursuivre la préparation de sa biographie de Marie Stuart. Son séjour ne semble avoir aucun motif politique, mais bientôt l’invasion de l’Autriche par les troupes de Hitler et son annexion par l’Allemagne nazie le dissuadent de rentrer dans son pays.
En 1939, Sigmund Freud dont Stefan Zweig fut un proche, meurt à Londres ; ce dernier rédige et lit son oraison funèbre. Après un séjour à New York en 1940, Stefan Zweig s’établit au Brésil en 1941 où Il espère encore trouver la paix de l’esprit . Il rédige le Joueur d’échecs et un essai biographique sur Montaigne. En février 1942, Stefan Zweig choisit la seule issue, pour lui, à un pessimisme profond. Avec son épouse, ils s’empoisonnent ensemble : pour se soustraire à la vie sans brutalité….
Résumé de Vingt-quatre heures de la vie d’Une femme de Stefan Zweig
1881 | Stefan Zweig naît le 28 novembre à Vienne, en Autriche. Il est le fils de riches industriels israélites qui ont fait fortune dans le textile. De son père Moritz Zweig, (c’est lui qui le dit), Stefan hérite le goût d’une discrétion qui va jusqu’à l’effacement et s’accompagne d’une austérité naturelle . Il a un frère aîné, Alfred, qui a 2 ans de plus que lui. Le jeune Stefan est confié à des nourrices, comme tous les enfants de la bourgeoisie d’alors. Il demeure confiné dans la nursery, puis dans sa chambre, restant à une distance respectueuse de la vie mondaine que mènent ses parents. Si Alfred, son frère aîné, solide et calme, ressemble physiquement à son père, Stefan, lui est le portrait de sa mère, en plus mince et plus longiligne. Il a ses traits fins, son sourire et ses yeux noirs qui pétillent. Il a sa vivacité, sa gaieté et mais aussi ses sautes d’humeur. |
1891 | Stefan entre au Maximilian Gymnasium ( aujourd’hui le Wasagymnasium), un lycée que ses parents ont choisi parmi les meilleurs de Vienne et qui lui confère une solide culture classique. Il y suit ses études en toute liberté, n’écoutant que son goût, et se passionne très jeune pour la littérature, la philosophie, l’histoire et l’univers de l’art. Au Maximilian Gymnasium, qu’il décrit comme un bagne, Stefan est un élève moyen et morose. Il semble attendre que le temps passe pour enfin disposer de la liberté promise. » Le seul moment heureux que je doive à l’école, écrira-t-il, ce fut le jour où je laissai retomber pour toujours sa porte derrière moi ». Il découvre Mir Zur Freier ( Pour ma joie) de Rainer Maria Rilke, de 6 ans son aîné. Il s’enthousiasme pour Rilke et peut réciter par cœur ses poèmes |
1895 | Avec ses amis de lycée, il découvre la vie de café. Le Beethoven, le Rathaus, ou le Reyl sont leurs lieux de rendez-vous. Ils y consomment cafés et chocolats crémeux. Stefan s’y plaît et s’y sent tranquille. Il discute des heures, joue aux échecs, un jeu qui le fascine, lit tous les journaux et revues culturelles exposés sur une table ou suspendus aux murs. |
1898 | Depuis quelques années Stefan Zweig a commencé à écrire des poèmes. Il publie son premier poème Rosenknospen ( Bouton de Rose) dans la revue de Karl Emil Franzos, Die Zukunft ( l’Avenir) |
1900 | Il est reçu au baccalauréat, sa Matura, en juillet. Ses résultats le situent juste au dessus de la moyenne, assez loin des meilleurs élèves . Le plus important pour lui, c’est que ce diplôme le délivre enfin de la « prison dorée » de son enfance. Il quitte le somptueux appartement de ses parents pour emménager dans une chambre d’étudiant. Bien qu’il ait de meilleurs résultats en Allemand et en Histoire, il s’inscrit à l’université, en philosophie. Il rêve de fréquenter au Café central, Jeune Vienne ( Jung-Wien), un cercle de poètes, dramaturges, romanciers dans lequel on retrouve Arthur Schnitzler, Hugo von Hofmannstahl, Peter Altenberg… |
1901 | Stefan Zweig continue à écrire de nombreux poèmes. En 1901, il en a déjà écrit entre trois et quatre cents ( c’est le chiffre qu’il avance). Il écrit le jour, au lieu d’aller en cours de philo, ou la nuit. Il écrit chez lui, mais aussi au café, notamment au Beethoven. Il est encore très influencé par Hugo von Hofmannstahl et Rainer Maria Rilke. Depuis Rosenknospen, son premier poème publié en 1898, il a déjà fait connaître en 1901, plus d’une centaine de poèmes au hasard des publications. C’est en février qu’il publie son premier recueil de poèmes : les Cordes d’argent . Stefan Zweig a sélectionné avec la plus grande intransigeance une cinquantaine de ses meilleurs poèmes. Il n’autorisera jamais aucune réimpression de ce recueil et l’exclura même plus tard de ses œuvres complètes. Stefan Zweig publie également cette année-là sa première nouvelle, Im Schnee ( dans la Neige) dans Die Welt, un journal viennois. Cette nouvelle, d’une dizaine de pages, raconte l’histoire d’une communauté juive, qui sous la menace d’une horde de flagellants, doit fuir le ghetto de son village. Stefan Zweig, si cosmopolite, si passionné, si viennois, consacre son premier texte en prose aux brimades subies par le peuple juif : intuition d’un malheur annoncé ? |
1902 | Il se rend en Belgique et visite Bruxelles, Bruges, Ostende et Blankenberghe. Il se rend également à Paris pour la première fois. Il rencontre le poète Emile Verhaeren (1855-1916), alors méconnu du public français et allemand. Emile Verhaeren vit à la campagne, non loin de Bruxelles, au lieu-dit Caillou-qui-bique. Zweig deviendra l’ami intime de Verhaeren, son traducteur et son biographe. Comme l’écrit Dominique Bona, « ce que Verhaeren lui découvre, par lui-même autant que par son ouvre, ce sont les « forces tumultueuses » de la vie. Il lui enseigne le premier des arts qui est de jouir des heures simples qui sont données à chacun. » C’est également en 1902 que Zweig écrit une préface de quinze pages pour l’édition de l’œuvre de Verlaine ( Editions Schuester und Loeffler) |
1903 | Séjour à Berlin. Pour un étudiant autrichien, il est courant de poursuivre à Berlin des études commencées à Vienne. Plusieurs amis de Zweig suivent le même chemin. Stefan Zweig s’affranchit du confort viennois et de la bourgeoisie raffinée qui ont bercé son enfance et son adolescence. Ce séjour à Berlin lui permet de découvrir un autre monde : il fait la connaissance des poètes maudits de Berlin, s’initie à la vie de Bohème et découvre un univers de violence, de danger, de débauche et de misère. C’est aussi à Berlin qu’il découvre les romans de Dostoïevski, et l’oeuvre de Munch ( Le Cri, l’Angoisse, Nuits Blanches…) Il se rend en Italie, sur l’Ile Bretonne de Bréhat et retourne à Paris |
1904 | Stefan Zweig rentre à Vienne pour passer sa thèse sur Hippolyte Taine. Au printemps, il est reçu docteur en philosophie, le titre prestigieux dont rêvaient pour lui ses parents. il va à Paris, où il séjourne à plusieurs reprises et se lie d’amitié avec plusieurs écrivains, dont Jules Romains. Il adaptera, plus tard, avec ce dernier, Volpone, et connaîtra un immense succès au théâtre de l’Atelier à Paris. Publication de Nouvelles : L’Amour d’Erika Ewald Il se rend à nouveau en France, à Paris et sur la Côte d’Azur, en Espagne et en Algérie. « Zweig voyage autant pour connaître et apprendre que pour se fuir lui-même dans le mirage des changements d’horizon. » |
1906 | Publication de Guirlandes précoces, poèmes |
1907 | Publication de la pièce de théâtre : Thersite Zweig poursuit ses voyages en Europe : Prague, la Sardaigne, Berlin, Rome, et la Corse |
1909 | De Novembre 1908 à avril 1909, il voyage à Ceylan, à Madras, à Agra, à Calcutta, à Bénares, à Rangoon et jusqu’en Indochine. |
1910 | Publication de : Emile Verhaeren, essai biographique |
1911 | Publication de nouvelles : Première Expérience, ( dont Brûlant Secret) En février 1911, au cours d’un de ses nombreux séjours en France Stefan Zweig rencontre Romain Rolland ; c’est le début d’une longue amitié. Il visite le Nouveau Monde : l’Est des Etats-Unis, New-York, Philadelphie. Il séjourne également aux Antilles, à Cuba, à la Jamaïque et à Porto-Rico. |
1912 | Publication de la pièce de théâtre : La Maison au bord de la mer |
1913 | Stefan Zweig commence à travailler sur le Portrait de Dostoïveski ; contraste frappant entre ce romancier russe maudit et ce jeune écrivain autrichien enthousiaste qui n’a pas encore subi d’épreuves. |
1914 | La Guerre crée un véritable traumatisme chez Stéphan Zweig. Il comprend qu’elle annonce la fin d’un monde et l’écroulement de valeurs auxquels il était viscéralement attaché. C’est la signification qu’il donnera dans tous les romans où il la mettra en scène. |
1917 | Publication de la pièce de théâtre : Jérémie |
1919 | Stefan Zweig s’installe à Salzbourg, où il restera 15 ans. C’est là qu’il écrira les romans qui lui apportent une célébrité mondiale. |
1920 | Publication de Trois Maîtres ( essai sur Balzac, Dickens et Dostoïevski) Publication de la nouvelle : La Peur |
1922 | Publication d’un recueil de nouvelles : Amok ( dont Lettre d’une inconnue) |
1925 | Publication de Le Combat avec le Démon ( essai sur Kleist, Hölderin, et Nietzsche) |
1927 | Publication de la pièce de théâtre : Volpone, son plus gros succès théâtral Publication de : Les heures Etoilées de l’Humanité |
1928 | Publication de Trois Poètes de leur vie ( essai sur Stendhal, Casanova et Tolstoï) Publication de Joseph Fouché, essai biographique |
1931 | Publication de La Guérison par l’Esprit ( essai sur Freud, Mesmer et Mary Bake-Eddy) Publication d’un recueil de nouvelles : Légendes |
1932 | Publication de Marie-Antoinette, biographie |
1933 | A Munich et dans d’autres villes, les livres du « juif » Zweig sont brûlés en autodafé. |
1934 | Stefan Zweig vient s’installer à Londres pour y poursuivre la préparation de sa biographie de Marie Stuart. Son séjour ne semble avoir aucun motif politique, mais bientôt l’invasion de l’Autriche par les troupes de Hitler et son annexion par l’Allemagne nazie le dissuadent de rentrer dans son pays. Publication de Vingt-quatre heures de la vie d’une femme Publication de Erasme, biographie |
1935 | Publication de Marie Stuart, biographie |
1936 | Publication de Castellion contre Calvin, biographie |
1937 | Publication de Le Chandelier enterré, nouvelle |
1938 | Publication de Impatience du cœur Publication de La Pitié dangereuse, roman Publication de Magellan, biographie Stefan Zweig divorce de Friederike. Ils garderont toutefois des liens étroits. |
1940 | Zweig devient citoyen britannique et se remarie avec sa secrétaire Lotte Altmann. En compagnie de son épouse il quitte l’Angleterre pour les Etats Unis et réside quelques mois dans la banlieue de New-York. Publication de Amerigo, biographie |
1941 | Le 15 août, il s’embarque pour le Brésil et s’établit à Pétropolis où il espère encore trouver la paix de l’esprit Publication de Brésil, terre d’avenir, essai. Il achève de rédiger son autobiographie, Le Monde d’hier, portrait de l’Europe d’avant 1914, qu’il dessine avec nostalgie |
1942 | Le 22 février, Stefan Zweig désespère de l’avenir du monde et rédige le message d’adieu suivant : » Avant de quitter la vie de ma propre volonté et avec ma lucidité, j’éprouve le besoin de remplir un dernier devoir : adresser de profonds remerciements au Brésil, ce merveilleux pays qui m’a procuré, ainsi qu’à mon travail, un repos si amical et si hospitalier. De jour en jour, j’ai appris à l’aimer davantage et nulle part ailleurs je n’aurais préféré édifier une nouvelle existence, maintenant que le monde de mon langage a disparu pour moi et que ma patrie spirituelle, l’Europe, s’est détruite elle-même. Mais à soixante ans passés il faudrait avoir des forces particulières pour recommencer sa vie de fond en comble. Et les miennes sont épuisées par les longues années d’errance. Aussi, je pense qu’il vaut mieux mettre fin à temps, et la tête haute, à une existence où le travail intellectuel a toujours été la joie la plus pure et la liberté individuelle le bien suprême de ce monde. Je salue tous mes amis. Puissent-ils voir encore l’aurore après la longue nuit ! Moi je suis trop impatient, je pars avant eux. » Le lendemain, Stefan Zweig et son épouse s’empoisonnent ensemble : pour se soustraire à la vie sans brutalité … |
1942-1946 | Publications posthumes : Le Monde d’hier (son autobiographie) Le Joueur d’échecs Balzac, biographie inachevée Montaigne, biographie inachevée Ivresse de la métamorphose, roman inachevé Clarissa, roman inachevé |
1901 | les Cordes d’argent |
1904 | L’Amour d’Erika Ewald |
1906 | Guirlandes précoces, poèmes |
1907 | Thersite, pièce de théâtre |
1910 | Emile Verhaeren, essai biographique |
1911 | Première Expérience, (dont Brûlant Secret) |
1912 | La Maison au bord de la mer, pièce de théâtre |
1917 | Jérémie, pièce de théâtre |
1920 | Trois Maîtres ( essai sur Balzac, Dickens et Dostoïevski) La Peur |
1922 | Amok ( dont Lettre d’une inconnue) |
1925 | Le Combat avec le Démon ( essai sur Kleist, Hölderin, et Nietzsche) |
1927 | Volpone, Les heures Etoilées de l’Humanité |
1928 | Trois Poètes de leur vie ( essai sur Stendhal, Casanova et Tolstoï) Joseph Fouché, essai biographique |
1931 | La Guérison par l’Esprit ( essai sur Freud, Mesmer et Mary Bake-Eddy) Légendes |
1932 | Marie-Antoinette, biographie |
1934 | Vingt-quatre heures de la vie d’une femme Erasme, biographie |
1935 | Marie Stuart, biographie |
1936 | Castellion contre Calvin, biographie |
1937 | Le Chandelier enterré, nouvelle |
1938 | Impatience du cœur La Pitié dangereuse, roman Magellan, biographie |
1940 | Amerigo, biographie |
1941 | Brésil, terre d’avenir, essai |
1942-1946 | Publications posthumes : |
Le Monde d’hier (son autobiographie)
Le Joueur d’échecs
Balzac, biographie inachevée
Montaigne, biographie inachevée
Ivresse de la métamorphose, roman inachevé
Clarissa, roman inachevé