Les Cahiers de Douai d’Arthur Rimbaud

Lien vers l’auteur

Les Cahiers de Douai, ou Le Cahier de Douai, est un court recueil poétique d’Arthur Rimbaud

Ces poèmes semblent avoir été écrits par Arthur Rimbaud lors de la même année : les premiers en mars 1870 ( il a alors 15 ans) , lors de sa première fugue et son premier séjour à Douai, et les deuxièmes à l’automne 1870.

Avant de repartir chez lui, à Charleville-Mézières, il les confie à Paul Demeny, un éditeur douaisien, dans l’espoir d’être publié. Il y a à l’époque 15 poèmes.

Quelques mois plus tard, en octobre, le jeune Rimbaud fugue à nouveau. Il emporte avec lui 7 nouveaux poèmes qu’il remet également à Paul Demeny.

Hélas, Paul Demeny ne parvient pas à publier ces poèmes. Rimbaud lui demande de les détruire, ce que Paul Demeny ne fera pas. Il préfères les vendre. Ainsi, les poèmes changent de mains à  plusieurs reprises. C’est lorsqu’ils sont vendus qu’ils sont édités en 1891.

Les Cahiers de Douai sont publiés sous la forme d’un ensemble de 2 cahiers contenant respectivement 15 et 7 poèmes  

Les poèmes du premier cahier sont :

  1. Première soirée
  2. Sensation
  3. Le Forgeron
  4. Soleil et chair
  5. Ophélie
  6. Bal des pendus
  7. Le Châtiment de Tartuffe
  8. Vénus anadyomène
  9. Les reparties de Nina
  10. A la musique
  11. Les Effarés
  12. Roman
  13. « Morts de Quatre-vingt-douze»
  14. Le mal
  15. Rages de Césars

Les poèmes du deuxième cahier sont :


16-Rêvé pour l’hiver
17-Le dormeur du Val
18-Au cabaret-vert
19-La Maline
20-L’éclatante victoire de Sarrebrück
21-Le buffet
22-Ma Bohème

La composition des cahiers de Douai

Dans le premier cahier, les deux premiers poèmes célèbrent une sensualité libre, tandis que les deux suivants évoquent la liberté politique, « celle du peuple qui s’affranchit de la monarchie, ou de l’humanité qui se libère du christianisme. »

Les quatre poèmes suivants proposent une réécriture de personnages célèbres : l’Ophélie de Shakespeare, les pendus de Villon, le Tartuffe de Molière, et la Vénus de Botticelli.

Parmi les quatre poèmes suivants, trois opposent la bourgeoisie, cruellement ridiculisée, aux élans amoureux du poète.

Les trois derniers poèmes étrillent la guerre et l patriotisme. Ce sont des sonnets.

Dans le second cahier, le premier poème reprend le thème de la relation amoureuse coquine et « Le Dormeur du Val » la veine antimilitariste.

Les trois sonnets suivants font allusion à Charleroi, où Rimbaud fugue en octobre &870.

Le sixième poème, à part, décrit un buffet plein de souvenirs. Enfin le dernier, « Ma Bohème » reprend la figure du poète fugueur, en quête d’amour et de liberté.

 Les principaux thèmes des Cahiers de Douai

L’amour

Rimbaud donne une nouvelle dimension à la poésie amoureuse en faisant l’éloge d’une sensualité libre et heureuse

Dans « Roman» , « Première Soirée », « Sensation », ou « Les réparties de Nina » , Rimbaud évoque les premiers émois amoureux teintés de sensualité.

L’atmosphère y est intimiste. La jeune fille aimée se montre complice ( Elle jeta sa tête mièvre, en arrière »)

La nature

La nature est associée à l’ivresse des sens et au désir d’explorer l’inconnu.

Son champ lexical montre la symbiose du poète avec la nature : « picoté », « fouler », « j’en sentirai la fraicheur », « baigner la tête nue » …

La nature y apparait comme une figure féminine maternelle, bienveillante et protectrice comme dans « Ma Bohème » (« Mon auberge était à la grande ourse ») ou « le Dormeur du Val » ( Nature, berce le chaudement) . Elle prend aussi une dimension sensuelle lorsque  Rimbaud se sent avec elle «  heureux comme avec une femme ».

La caricature impériale

Le règne de Napoléon II que Rimbaud déteste , fait l’objet de violentes attaques.

Rimbaud critique Napoléon III dans « Rages de César » et «  « l’Eclatante victoire de Sarrebruck » ou l’empereur apparait comme un personne burlesque « raide sur son dada »

La Liberté

Plusieurs poèmes des Cahiers de Douai sont une ode à la liberté. Il évoque le voyage et l’errance  (Au cabaret verrt, Ma Bohème »…)

La liberté est également envisagée dans une perspective sociale et politique.

La guerre

 La critique de la guerre franco-prussienne est indissociable de celle du second empire

« Le Mal » ou le « dormeur du val » dénoncent l’irruption délétère de la guerre dans la vie des jeunes gens.

La critique de la bourgeoisie

Rimbaud réserve ses attaques les plus virulentes à la bourgeoisie dominante. A travers elle, c’est la bêtise et le conformisme de tous qu’il dénonce.

Dans « A la musique » ses mots ( « Poussifs », « étranglent », « chaleurs » « bouffis »…) évoquent une élite pédante et autosatisfaite.

Il emploie aussi des termes relatifs au commerce (« rentiers », « bureaux », « airs de réclames », « en argent » …) qui envahissent la langue bourgeoise . La recherche du gain financier de la bourgeoisie, empêche pour Rimbaud, l’expression du lyrisme et de la beauté.

Quelques poèmes des Cahiers de Douai

Première soirée

Elle était fort déshabillée
Et de grands arbres indiscrets
Aux vitres jetaient leur feuillée
Malinement, tout près, tout près.

Assise sur ma grande chaise,
Mi-nue, elle joignait les mains.
Sur le plancher frissonnaient d’aise
Ses petits pieds si fins, si fins.

– Je regardai, couleur de cire
Un petit rayon buissonnier
Papillonner dans son sourire
Et sur son sein, – mouche au rosier.

– Je baisai ses fines chevilles.
Elle eut un doux rire brutal
Qui s’égrenait en claires trilles,
Un joli rire de cristal.

Les petits pieds sous la chemise
Se sauvèrent : « Veux-tu finir ! »
– La première audace permise,
Le rire feignait de punir !

– Pauvrets palpitants sous ma lèvre,
Je baisai doucement ses yeux :
– Elle jeta sa tête mièvre
En arrière : « Oh ! c’est encor mieux !

Monsieur, j’ai deux mots à te dire… »
– Je lui jetai le reste au sein
Dans un baiser, qui la fit rire
D’un bon rire qui voulait bien…

– Elle était fort déshabillée
Et de grands arbres indiscrets
Aux vitres jetaient leur feuillée
Malinement, tout près, tout près.

Arthur Rimbaud
Cahiers de Douai, 1870

Le dormeur du val

C’est un trou de verdure où chante une rivière
Accrochant follement aux herbes des haillons
D’argent ; où le soleil, de la montagne fière,
Luit : c’est un petit val qui mousse de rayons.

Un soldat jeune, bouche ouverte, tête nue,
Et la nuque baignant dans le frais cresson bleu,
Dort ; il est étendu dans l’herbe, sous la nue,
Pâle dans son lit vert où la lumière pleut.

Les pieds dans les glaïeuls, il dort. Souriant comme
Sourirait un enfant malade, il fait un somme :
Nature, berce-le chaudement : il a froid.

Les parfums ne font pas frissonner sa narine ;
Il dort dans le soleil, la main sur sa poitrine
Tranquille. Il a deux trous rouges au côté droit.

Arthur Rimbaud
Cahiers de Douai, 1870

Source Bibliographique : Profil Bac Œuvre et Parcours : Arthur Rimbaud – Cahiers de Douai de Florent Pennanech & Amélie Vioux -commentairescomposés.fr