Introduction
«Le plus savant des mystificateurs, le plus gai des érudits» Jean d’Ormesson
Queneau est un véritable acrobate. Toute sa vie il a jonglé entre littérature et mathématiques, malice et gravité, tendresse et dérision, érudition et innocence, humour et amertume. Curieux de tout, il a eu également une ambition encyclopédique ( la liste des livres qu’il a lus et souvent relus, établie par lui même, comporte environ 10 000 titres) et une volonté d’effectuer une recherche permanente sur le langage.
C’est Exercices de style, en 1947, qui lui assure son premier grand succès public. Zazie dans le Métro , en 1959, lui apporte la consécration.
En 1960, Queneau fonde l’OuLiPo (Ouvroir de la Littérature Potentielle) avec son ami François Le Lionnais. L’OuLiPo c’est ce laboratoire littéraire préconisant l’utilisation de structures mathématiques dans la création littéraire; atelier dans lequel Queneau et ses amis ( notamment Georges Perec, Jacques Roubaud et Italo Calvino ) inventeront de nouveaux mécanismes. C’est le cas de la méthode « S+7″ , consistant à remplacer chaque mot d’un texte (à l’exception des mots-outils) par le septième mot suivant dans le dictionnaire. Ainsi Queneau transforme-t-il la fable de La Fontaine, la Cigale et la Fourmi en la célèbre Cimaise et la Fraction :
La Cimaise ayant chaponné tout l’éternueur
Se tuba fort dépurative quand la bisaxée fut verdie
Pas un sexué pétrographique morio de mouffette ou de verrat.
Elle alla cocher frange
Chez la fraction sa volcanique…
Parmi les exemples les plus célèbres , on peut également citer la Disparition de Georges Perec, dans lequel ne figure pas une seule fois la lettre e; e qui est pourtant le caractère la plus utilisé de la langue française.
Queneau a également publié sur la fin de sa vie des recueils de poésie (Courir les rues, 1967; Battre la campagne, 1968! Fendre les flots, 1969). Il est considéré aujourd’hui comme un des grands auteurs français du vingtième siècle. Jean d’Ormesson qui l’a bien connu et qui pendant trois ans, tous les mardi soirs au sortir du comité de lecture de Gallimard le raccompagnait chez lui , lui rend cet hommage : « Une prodigieuse tendresse pour les êtres se combinant chez lui avec le goût de l’imposture, personne ne peut douter que Queneau soit un vrai et un grand poète. »
Virginie Delisle
Biographie
1903 | Naissance le 21 février, au Havre, de Raymond Queneau. Ses parents sont merciers. Il est fils unique, et est élevé dans un milieu catholique. Il fait dans Chêne et chien, autobiographie romancée, un récit mitigé de son enfance |
1908-1920 | Etudes au lycée du Havre. Il obtient le prix d’excellence de philosophie |
1920 | Etude de philosophie à Paris |
1922 | Séjour en Angleterre |
1923 | Il ressent ses premières crises d’asthme |
1924 | Grâce à son ami Pierre Naville, il côtoie les surréalistes. Il collabore à la Révolution Surréaliste, la revue du Groupe |
1925 | Service militaire en Allemagne, puis au Maroc |
1927 | Au retour de son service militaire, il retrouve André Breton et les surréalistes. Il se lie avec les futurs dissidents Jacques Prévert, le peintre Yves Tanguy et Marcel Duhamel, celui qui créera la Série Noire chez Gallimard . Il constituera avec ces derniers le groupe de la Rue du Château |
1928 | Il épouse Janine Kahn, la sœur de Mme André Breton |
1929 | Il rompt avec André Breton et les surréalistes. Il souhaitera, tout au long de sa vie, préserver son indépendance |
1930 | Il essaye plusieurs métiers mais ne parvient pas à trouver un travail stable. Il connaît une forte déprime. Il se lance dans des recherches à la Bibliothèque Nationale en vue d’entreprendre une étude sur les fous littéraires Voyage en Grèce. |
1933 | Il publie le Chiendent. Dans ce premier roman, il utilise déjà une construction très rigoureuse basée sur des principes mathématiques qui régissent, notamment, le nombre de chapitres et l’entrée et la sortie des personnages. Ce livre est bien accueilli par la critique et lui vaut un prix d’estime, celui des Deux-Magots créé spécialement pour lui par ses amis. |
1934 | Naissance de son unique fils, Jean-Marie Publication de Gueule de pierre Il traduit, sous le nom de Jean Raymond, le Mystère du train d’or d’Edgar Wallace. |
1936 | Publication des Derniers jours Raymond Queneau s’installe à Neuilly |
1937 | Publication de Chêne et Chien. Il y évoque la psychanalyse qu’il commença en 1932 avec Mme Lowska. Publication d’Odile. Il raconte dans ce roman, comment un voyage en Grèce, en 1932, l’a libéré des surréalistes, et incité à écrire le Chiendent, son premier roman. Il traduit Impossible ici de Sinclair Lewis |
1938 | Publication des Enfants du Limon. Il entre aux éditions Gallimard comme lecteur d’anglais. |
1939 | Publication d’Un rude hiver. Il est mobilisé, mais malgré son souhait, il n’est pas incorporé dans une unité combattante |
1940 | Il est démobilisé |
1941 | Publication des Temps mêlés. Il devient le secrétaire général des éditions Gallimard. |
1942 | Publication de Pierrot mon ami. |
1943 | Publication de Ziaux. |
1944 | Publication de Loin de Rueil. Il participe à la lecture de la pièce de Picasso Le désir attrapé par la queue. |
1945 | Il acquiert le statut de journaliste professionnel et consacre de plus en plus de temps à ses activités radiophoniques. Il signe le premier contrat de l’Encyclopédie de la Pléiade pour le volume Histoire de la Science |
1946 | Publication de l’Instant fatal. |
1947 | Publication d’Exercices de style, l’histoire d’un jeune homme que le narrateur aperçoit sur la plate-forme arrière d’un autobus parisien bondé. Il le retrouve, deux heures plus tard en grande conversation devant la gare Saint Lazare . L’histoire est certes insignifiante, mais Queneau la raconte sous quatre-vingt dix neufs formes différentes : sonnet, comédie, litote, noble, ampoulé, paysan, vulgaire, désinvolte … Publication de Bucoliques. Il publie également, sous le pseudonyme de Sally Mara On est toujours trop bon avec les femmes. Mort de son père. |
1948 | Publication de Saint-Glinglin, de Gueule de Pierre et des Temps Mêlés. Il est nommé membre de la Société mathématique de France. |
1949 | Yves Robert met en scène ses Exercices de style. Juliette Gréco interprète le poème Si tu t’imagines sur une musique de Joseph Kosma. |
1950 | Publication du Journal intime de Sally Mara aux éditions du Scorpion. Publication de la Petite cosmogonie portative et de Bâtons, chiffres et lettres. Il voyage aux Etats-Unis : New York, Boston, Philadelphie. |
1951 | Il est élu à l’Académie Goncourt. Il entre au collège de pataphysique et continue son activité journalistique et ses nombreuses activités culturelles (scénarios, conférences …). |
1952 | Publication du Dimanche de la vie . Il est membre du jury du festival de Cannes. |
1953 | Traduction de l’Ivrogne dans la brousse d’Amos Tutuola. |
1954 | Il prend la direction de l’Encyclopédie de la Pléiade chez Gallimard. |
1955 | Il écrit les dialogues de Monsieur Ripois et les chansons de Gervaise, deux films mis en scène par René Clément ainsi que les dialogues français de La Strada, le film de Fellini |
1956 | Séjour en Russie suite à une invitation de l’association France- URSS. |
1958 | Il écrit le commentaire d’un court métrage d’Alain Resnais : Le Chant du Styrène |
1959 | Publication de Zazie dans le métro , qui douze ans après le grand succès d’Exercices de style, lui assure la consécration. |
1960 | Louis Malle adapte Zazie dans le métro. Fondation de l’OuLiPo (Ouvroir de la Littérature Potentielle) avec notamment François Le Lionnais : atelier littéraire préconisant l’utilisation de structures mathématiques, dans la création littéraire |
1961 | Publication des Cent mille milliards de poèmes : 10 sonnets aux rimes identiques, découpés en 14 bandes horizontales, autant que de vers, et permettant une combinaison de Cent mille milliards de sonnets différents. |
1963 | Publication de Bords , recueil d’essais sur la science. |
1964 | Il travaille à une analyse matricielle du langage. |
1965 | Publications des Fleurs bleues et du Chien à la mandoline. |
1966 | Publication d’Une histoire modèle. Il se rend à l’enterrement d’André Breton. |
1967 | Publication de Courir les rues. |
1968 | Publications de Battre la campagne et du Vol d’Icare. |
1969 | Publication de Fendre les flots. |
1970 | Il quitte le jury Goncourt. |
1972 | Mort de sa femme Janine, qui le laisse inconsolable. |
1973 | Publication du recueil d’articles Le Voyage en Grèce, qu’il dédie à Janine |
1975 | Publication de Morale élémentaire. |
1976 | Il meurt le 25 octobre , à l’âge de 73 ans. |
Oeuvres
1933 | le Chiendent. |
1934 | Gueule de pierre |
1936 | Les Derniers jours |
1937 | Chêne et Chien |
1938 | Les Enfants du Limon |
1939 | Un rude hiver |
1941 | Les Temps mêlés. |
1942 | Pierrot mon ami |
1943 | Ziaux |
1944 | Loin de Rueil |
1946 | l’Instant fatal. |
1947 | Exercices de style Bucoliques. On est toujours trop bon avec les femmes (sous le pseudonyme de Sally Mara) |
1948 | Saint-Glinglin Gueule de pierre Les Temps mêlés. |
1950 | Journal intime de Sally Mara. Petite cosmogonie portative Bâtons, chiffres et lettres. |
1952 | Le Dimanche de la vie |
1958 | Le Chant du Styrène |
1959 | Zazie dans le métro |
1961 | Cent mille milliards de poèmes |
1963 | Bords |
1965 | Les Fleurs bleues Le Chien à la mandoline. |
1966 | Une histoire modèle |
1967 | Courir les rues |
1968 | Battre la campagne Le Vol d’Icare. |
1969 | Fendre les flots. |
1973 | Le Voyage en Grèce |
1975 | Morale élémentaire. |