Introduction
« Molière, ce grand peintre de l’homme tel qu’il est. » Stendhal
Parce qu’il était comédien, Molière n’a pas été élu à l’académie française. Parce qu’il n’a pas abjuré cette profession, il n’a pu, à l’issue de la quatrième représentation du Malade imaginaire , alors qu’il était en train de mourir d’une hémorragie, et malgré son souhait, recevoir les derniers sacrements. Il a échappé de peu à la fosse commune et n’a pu être inhumé que grâce à l’intervention de Louis XIV auprès de l’évêque de Paris . Il a été enterré de nuit, sans aucune cérémonie.
Pourtant aujourd’hui , spontanément, lorsque l’on veut évoquer la langue française , on parle de la langue de Molière. Et s’il ne fallait citer qu’un seul auteur pour incarner la comédie à la française, nul doute que ce serait lui.
Molière n’a vécu que pour le théâtre. Il a incarné le théâtre , y jouant tous les rôles : comédien, metteur en scène, directeur de troupe et auteur. Et même s’il connut des difficultés comme directeur de troupe ou comme auteur, il bénéficia d’une immense notoriété, aussi bien auprès du public, que de la cour ou de ses pairs. Ce succès, il le dut à ses talents d’acteur comique, à sa qualité d’animateur de troupe mais aussi, bien sûr, à son génie d’auteur.
En tant qu’auteur, Molière parvient à hisser la comédie, alors considérée comme un art mineur, au rang de la tragédie. Il réussit à réaliser la synthèse de plusieurs genres tels que la farce, la comédie italienne ou la comédie d’intrigues. Observateur attentif des mœurs de son temps, il sait en dégager une image tantôt ironique tantôt attendrie.
Et Molière n’hésite pas à s’engager, ce qui lui vaut des tas de détracteurs. Tour à tour il s’attaque aux précieuses ridicules ou aux bourgeois vaniteux, aux faux dévots et aux vrais avares, aux médecins ignorants et aux femmes savantes. Il se plaît à condamner le ridicule des conduites excessives, à dénoncer l’erreur, et à rendre hommage à la spontanéité.
Comme Shakespeare ou Goethe, Molière incarne la langue et la culture de son pays, ce qui fait dire à Jean d’Ormesson : « Au même titre que Hugo, que la baguette de pain, que le coup de vin rouge, que la 2CV Citroën et que le béret basque, Molière est un des mythes fondateurs de notre identité nationale »
Thibault Doulan
Biographie
1622 | Naissance à Paris de Jean-Baptiste Poquelin, fils d’un marchand tapissier, fournisseur officiel de la Cour |
1632 | Mort de sa mère. |
1635 | Jean-Baptiste entre au collège de Clermont (actuel lycée Louis le Grand). Il a pour condisciple le prince de Conti, qui deviendra l’un de ses protecteurs |
1640 | Il suit des études de droit pour devenir avocat, titre qui permet alors l’achat d’une charge dans la justice ou l’administration. |
1641 | Jean-Baptiste est reçu avocat |
1643 | Il renonce à la possibilité de promotion sociale que lui offre ce diplôme. Il décide, contre l’avis de son père, de devenir comédien. Avec sa maîtresse Madeleine Béjart, une comédienne déjà connue, la famille de celle-ci et quelques autres comédiens, il fonde la compagnie théâtrale l’Illustre-Théâtre. Il prend le nom de Molière. Les raisons qui l’ont incité à choisir ce pseudonyme n’ont jamais été élucidées. |
1645 | Au printemps, la troupe l’Illustre-Théâtre fait faillite Emprisonné pour dettes en Août, Molière est libéré deux jours plus tard, grâce à l’intervention de son père . La même année, il quitte Paris, avec la troupe de Charles Dufresne. Ils vont parcourir l’ouest et le sud de la France pendant plus de treize ans |
1650 | Molière devient le directeur de la troupe de Charles Dufresne |
1653 | Le Prince de Conti parraine la troupe de Molière. Il la prendra sous sa protection jusqu’en 1657. |
1655 | Molière devient auteur dramatique. Il écrit l’Etourdit, qui est joué à Lyon |
1656 | Il écrit le Dépit amoureux qui est créé à Béziers |
1658 | Molière a trente six ans. Il rentre à Paris fort d’une double expérience d’acteur comique et d’auteur dramatique. Il reçoit la protection de Monsieur, le frère du roi. Il joue devant le jeune Louis XIV, au Louvre, le Docteur Amoureux. Cette pièce plaît au roi qui accorde à la troupe de Molière le droit de partager avec les Comédiens-Italiens, la salle du Petit Bourbon. |
1659 | Molière connaît un grand succès avec les Précieuses ridicules. Cette pièce est créée lors de la même représentation que Cinna de Corneille et fait un triomphe |
1660 | Sganarelle ou le Cocu imaginaire. Nouveau grand succès pour Molière qui trouve dans Sgnarelle l’un de ses rôles fétiches |
1661 | La troupe de Molière s’installe définitivement au Palais-Royal L’École des maris et les Fâcheux assoient sa renommée |
1662 | Il épouse Armande Béjart, la fille de Madeleine Béjart. Ce mariage avec la fille de sa maîtresse, lui vaut d’être accusé de relations incestueuses avec cette personne qui pourrait être sa fille. Il réussit son coup de maître en écrivant l’Ecole des femmes, la première des comédies de la maturité, en cinq actes et en vers. Cette pièce, qui soulève des questions importantes (l’institution du mariage et l’éducation des filles), tranche nettement avec les thèmes habituels de la farce ou de la comédie à l’italienne. Innovation littéraire en même temps que critique originale de la société du temps, elle irrite certains auteurs concurrents autant qu’elle choque les tenants de la morale traditionnelle. L’Ecole des femmes connaît un énorme succès, et vaudra à Molière une longue polémique. Cette querelle occupera toute l’actualité littéraire de l’année 1663, avec ses pamphlets, ses textes satiriques et ses quolibets. |
1663 | Molière répond à ses adversaires en écrivant La Critique de l’École des femmes et l’Impromptu de Versailles. Pièces dans lesquelles il tourne en dérision ses détracteurs (petits marquis, faux vertueux, troupe rivale de l’hôtel de Bourgogne…) |
1664 | Le Mariage forcé, la Princesse d’Elide Tartuffe, joué à Versailles, provoque un tollé chez les catholiques. La pièce est interdite à la demande de l’archevêque de Paris. La bataille de Tartuffe durera près de cinq ans. Remaniée, la pièce sera à nouveau interdite en août 1667. Elle sera cependant jouée, en présence du frère du roi, chez le Grand Condé. |
1665 | Louis XIV décide de prendre officiellement Molière sous sa protection. Il décerne à ses comédiens le titre de troupe du roi Dom Juan , pièce dont le personnage principal se sent » un cœur à aimer toute la terre ». La pièce connaît un succès de cinq semaines. Puis elle est étouffée avant même que les adversaires de Molière puissent faire paraître leurs pamphlets contre cette pièce , qui selon eux, prône l’athéisme. L’Amour médecin |
1666 | Le Misanthrope. Cette pièce conte les mésaventures d’Alceste, un personnage d’une loyauté et d’une probité indéfectibles. Elle connaît un succès mitigé, mais sa dimension morale lui assurera un prestige qui ne fera que croître les siècles suivants Le Médecin malgré lui, qui est aujourd’hui l’une des plus connues et des plus jouées des pièces de Molière . Melicerte |
1667 | La Pastorale comique Le Sicilien ou l’Amour-peintre |
1668 | Amphitryon Georges Dandin L’Avare : Cléante et Elise, les deux enfants d’Harpagon craignent chacun pour leur amours respectifs. L’avarice de leur père fait obstacle à leur bonheur. Heureusement le vol d’une cassette viendra bouleverser les plans de l’avide vieillard |
1669 | Monsieur de Pourceaugnac Tartuffe enfin autorisé connaît un triomphe |
1670 | Le Bourgeois gentilhomme, une comédie-ballet dont Lully compose la musique et qui fustige le snobisme de Monsieur Jourdain, un piètre imitateur de la noblesse Les Amants magnifiques |
1671 | Psyché la Comtesse d’Escarbagnas Les Fourberies de Scapin, une comédie d’intrigue qui s’inscrit dans la tradition italienne que Molière avait exploité au début de sa carrière, notamment avec l’Etourdi. Molière jouera, lui-même, le rôle de Scapin, le valet meneur de jeu |
1672 | Les Femmes savantes (1 672), une sévère condamnation du pédantisme Cette année-là, Molière est supplanté par Lully, promoteur de l’opéra en France, qui obtient le privilège royal lui accordant l’exclusivité de la représentation des œuvres chantées et dansées. Par faveur spéciale, le roi autorise toutefois Molière à intégrer des scènes musicales et chorégraphiques dans le Malade imaginaire |
1673 | Création du Malade imaginaire, au Palais-Royal, le 10 février Molière tient le rôle d’Argan. Il est pris d’un malaise lors de la quatrième représentation. Il est transporté chez lui, rue de Richelieu . Il meurt d’une hémorragie. N’ayant pas abjuré sa profession de comédien, il ne pourra, malgré son désir, recevoir les derniers sacrements. Molière échappe de peu à la fosse commune. Il ne put être inhumé que grâce à l’intercession d’Armande Béjart auprès de Louis XIV. Il fut enterré de nuit, suivi dans la brume, par de nombreux amis, sans aucune cérémonie. |
Oeuvres
1655 | L’Étourdi |
1656 | Le Dépit amoureux |
1659 | Les Précieuses ridicules |
1660 | Sganarelle ou le Cocu imaginaire |
1661 | L’École des maris Les Fâcheux |
1662 | L’École des femmes |
1663 | La Critique de l’École des femmes L’Impromptu de Versailles |
1664 | Le Mariage forcé La Princesse d’Elide Tartuffe |
1665 | Dom Juan L’Amour médecin |
1666 | Le Misanthrope Le Médecin malgré lui Melicerte |
1667 | La Pastorale comique Le Sicilien ou l’Amour-peintre |
1668 | Amphitryon Georges Dandin L’Avare |
1669 | Monsieur de Pourceaugnac |
1670 | Le Bourgeois gentilhomme Les Amants magnifiques |
1671 | Psyché La Comtesse d’Escarbagnas Les Fourberies de Scapin |
1672 | Les Femmes savantes |
1673 | Le Malade imaginaire |
Liens
- Le site de Philippe Parker : biographie de Molière, ses pièces en ligne et une analyse de son oeuvre
- Molière sur le site e-français : sa biographie et une liste très complète de liens