Marc Gendron 1948-

«Et le verbe fuit »Marc GendronOpération New-York
« Rien ne sert de pourrir, il faut mourir à point »
« On se remet de tout mais on guérit de rien »
Marc Gendron, Le Noir et le blanc  

Marc Gendron est né au beau milieu du 20ème siècle sur les bords du Saint-Laurent, au pied de la plus grande centrale électrique de l’époque. Il a prié et blasphémé, il a joué au hockey et étudié à l’étranger, il a enseigné et s’est retiré de la vie publique à l’âge de trente-trois ans. Il s’est accoté sur une ex-slave, avant d’engendrer une fille et une dizaine de livres. Il n’a reçu aucun prix et n’est jamais apparu sur le petit écran (Le néant c’est la télé avec tout son cortège de marionnettes papotant et pérorant à pleins tubes).

Bref, il est un drôle d’oiseau possédant un bec et refusant de rester coi. Québécois il est, par les caprices de l’histoire, des paysages et du climat, un écrivain américain pour qui la langue française mérite autant d’irrespect que d’amour. A l’endos de l’un de ses livres, il se définit comme un mammifère à plume. Comme quelqu’un de sauvage donc, privé de langage; mais aussi comme un artisan travaillé par la langue et la violentant plus ou moins férocement au gré des saisons.

Daniel Tremblay

Tout l’univers de Marc Gendron est résumé dans cette boutade : « Et le verbe fuit » .

Pour en savoir plus : le site officiel de Marc Gendron créé par Daniel Tremblay

Bibliographie:

Louise ou la nouvelle Julie (éd. Québec/Amérique, 1981) est un remake de Julie ou la nouvelle Héloïse. Une œuvre bien de notre époque donc dans laquelle une profe de philo entretient une relation amoureuse avec l’une de ses élèves et accepte un échange épistolaire avec un Jean-Jacques plutôt déjanté. Dans ce roman, le romantisme charitable de Rousseau fait place à une écriture exacerbée se promenant entre le septième ciel et le premier cercle de craie tracé par quelque démon bon enfant. De l’esprit et de l’humour à revendre.

Les espaces glissants (éd. Québec/Amérique, 1982) sont nés de la rencontre des pulsions et des mots dans une mémoire qui ne tripote jamais le passé de façon innocente. Toutes les explications se valant et s’avalant les unes les autres, le narrateur de cette œuvre tente donc de décrire les chemins qui l’ont mené à celui qu’il croit être ou voudrait bien être. De l’ombre à la lumière il traverse le corps de l’amour et du texte, ne s’arrêtant que là où la langue se refuse ou jaillit de source.

Minimal minibomme (éd. Québec/Amérique, 1984) est un roman inclassable, un pavé lancé dans la vitrine du conformisme littéraire. On n’y trouve aucune trame, mais seulement les traces d’un narrateur fringant qui jette sa gourme à tous les vents de la narration. Ayant renoncé à voir clair, il avance au risque de tourner en rond. Toutes les ressources langagières et typographiques sont mises à profit pour égarer le lecteur ou le mettre sur la bonne voie. N’est-ce pas cela une existence, un minimal subi par un minibomme ?

Le narrateur de Jérémie ou le bal des pupilles (les Quinze, éditeur, 1986) est un prophète défroqué, bossu de corps et d’esprit. Il s’amuse à observer les manigances et chassés-croisés d’une douzaine de profs de collège. Une langue qui coule drue, des pédagogues en goguette qui cherchent à exister autrement qu’en rabâchant leurs notes de cours, des élèves se réduisant à des cerveaux à bourrer ou à laver. Quand la grisaille des corridors est dissipée par la puissance du langage, le lecteur s’en donne à cœur joie.

Le narrateur d’Opération New York (L’Hexagone, 1990) souffre d’une tumeur au cerveau. Il est ainsi en mesure de parcourir (en chair et en os ou seulement dans sa tête fêlée et enflée ?) la grosse Pomme dans l’état d’esprit qui convient à cette métropole déchaînée. La langue en cavale et les yeux collés au trottoir, il épouse la folie quotidienne de quelques énergumènes (Adamor, la plus belle femme du monde, Vanessa et quelques autres) qui se veulent représentatifs du rêve américain avorté.

Le narrateur de Le noir et le blanc (XYZ éditeur, 1994) est un prof qui surmonte l’abandon amoureux en retrouvant un amour de jeunesse, la littérature. Il s’identifie à un peintre qui dévasté par un deuil est happé par le suicide, il examine les quelques spectres hantant le collège où il prêcha la bonne nouvelle, il scrute ses entrailles rongées par un cancer galopant. Mais il prend soin de renoncer au pathos, car le tragique n’est jamais dramatique et se résume à quelques couleuvres rencontrées sur la route.

Le narrateur de Le prince des ouaouarons (XYZ éditeur, 1997) est un gay flamboyant souffrant d’une affection alors sans nom. Ce petit prince politiquement incorrect enlace ses plus joyeux et ses plus tristes souvenirs, revisite son enfance et son adolescence, regarde la mort droit dans les yeux avant de l’embrasser. Il dit sa vérité sans ambages, sans remords aucun, une fleur entre les dents. Le sang en ébullition, il passe du sexe au texte en s’en remettant à la seule vérité d’un style bien léché. Éperdu de plaisir, il est à la fois le premier coupable et le dernier des innocents.

Le narrateur de Titre à suivre (XYZ éditeur, 1998) est un texteur à gages souffrant d’un bobo au cerveau. Ce pubard arrête donc de faire le jars et se lance à corps perdu dans l’écriture. Il visite la cour de l’empereur de Chine, se promène dans le dédale des mots, se glisse dans la peau d’un tueur en série, musarde dans les corridors de la mort. Mais ce roman n’a rien à voir avec les grosses farces et les flatteries de la pub. Il est à la fois serein et violent, emporté par le souffle d’une rage lucide. N’utilisant plus la parole comme un outil de marketing, l’ancien créatif de la désinformation crache du feu sur le monde de la pub et des médias. Cette œuvre ne peut que plaire à tous ceux qui aiment les écrivains travaillant la langue sans se préoccuper de leur chiffre de vente.

Pour en savoir plus : le site officiel de Marc Gendron