Françoise Sagan est morte vendredi soir 24 septembre à 19h35 à l’hôpital de Honfleur (Calvados) d’une « décompensation cardio-respiratoire ». Elle était âgée de 69 ans. En mauvaise santé, l’auteur de Bonjour Tristesse avait passé l’été, alitée, dans le manoir de Breuil, près de Honfleur, acheté en 1958 mais qui ne lui appartenait plus, même si elle y résidait parfois. Elle était ruinée. Le ministre de la Culture Renaud Donnedieu de Vabres s’est dit »bouleversé par la solitude de sa fin de vie».
photo : Denis Westhoff
Quelques réactions suite à sa disparition.
Jacques Chirac a appris « avec émotion » la disparition de Françoise Sagan, « figure éminente de notre vie littéraire » qui « aura contribué à l’évolution de la place des femmes dans notre pays », a-t-il déclaré dans un communiqué publié vendredi soir.
« Avec elle, la France perd l’un de ses auteurs les plus brillants et les plus sensibles, une figure éminente de notre vie littéraire », a déclaré le chef de l’Etat dans un texte rendu public par l’Elysée.
« Avec finesse, esprit et subtilité, Françoise Sagan aura exploré les ressorts et les passions de l’âme humaine. D’un style original, elle aura témoigné de son temps, dressant un tableau plein d’acuité de la société française et de ses évolutions », a-t-il poursuivi.
« Acteur de son époque, Françoise Sagan aura contribué à l’évolution de la place de la femme dans notre pays », a conclu Jacques Chirac.
Renaud Donnedieu de Vabres, ministre de la Culture et de la Communication a rendu hommage vendredi soir à Françoise Sagan, évoquant une « personnalité flamboyante ».
« Avec Françoise Sagan, un regard attachant et ironique, une intelligence exceptionnelle, une plume virtuose, un visage lumineux nous quittent ce soir », a déclaré le ministre à Toulouse, où il inaugurait une manifestation culturelle.
« C’est avec une immense peine que j’apprends le décès de cette personnalité flamboyante, qui aimait la vitesse, qui croquait la vie à pleines dents, en dépit de ses fragilités, et dont nous espérions que, triomphant de la maladie, elle pourrait poursuivre son œuvre ».
« Une œuvre, qui a embrassé avec un immense talent la littérature bien sûr, en conquérant très tôt le succès, mais aussi le théâtre, le cinéma, la chanson. Comme Proust, qu’elle admirait, elle a su scruter, comme en passant, les facettes de nos coeurs, de nos existences, de notre époque. Ce soir, ce n’est pas Bonjour tristesse, mais c’est un immense chagrin », a conclu le ministre.
Jean-Pierre Raffarin a rendu hommage vendredi soir au « sourire » de Françoise Sagan, saluant le « charmant petit monstre » qui « a rejoint les merveilleux nuages ».
« Françoise Sagan, c’était un sourire, mélancolique, énigmatique, distancié, et joyeux pourtant », a écrit le Premier ministre dans un communiqué transmis par son service de presse.
« Son style, qui marqua une génération dès son premier livre, était précis et parfois désabusé. Mais elle aimait ses personnages comme elle aimait la vie.
Ecrivain, dramaturge, journaliste, elle voulut tout connaître », a-t-il poursuivi.
« Le ‘charmant petit monstre’ a rejoint ‘les merveilleux nuages’. Et des millions de Français éprouvent ce soir la mélancolie qu’elle leur a fait si souvent partager dans ses livres », a conclu le Premier ministre.
Jack Lang a rendu hommage au « talent vif et ardent » de Françoise Sagan, dans un communiqué publié vendredi soir.
« Nous pleurons aujourd’hui l’écrivain qui a marqué de son talent vif et ardent la littérature contemporaine et a longtemps incarné dans le monde une France de la vie et du mouvement », a déclaré Jack Lang.
« Je n’oublie pas encore l’amie incomparable qui s’est toujours battue bec et ongles pour ceux qu’elle aimait, a-t-il poursuivi. François Mitterrand était de ceux-là. Il avait pour elle affection, tendresse et amitié. Françoise Sagan lui a apporté en permanence un soutien courageux et fidèle ».
Bertrand Delanoë a salué vendredi soir « l’immense talent » de Françoise Sagan. « Elle nous lègue à la fois le souvenir de la force, de ses goûts et la douceur de ce ‘certain sourire’ caché comme par timidité mais dévoilé dans ses écrits, traces essentielles de son immense talent », a déclaré le maire de Paris dans un communiqué.
« En cet instant si sombre, son premier titre nous revient comme un écho: ‘Bonjour tristesse’ « , a-t-il ajouté.
Marie-George Buffet, secrétaire nationale du Parti communiste, rend hommage à Françoise Sagan, une « romancière d’exception ». « C’est avec une immense tristesse que j’ai appris la disparition de Françoise Sagan. Avec Françoise Sagan, c’est une romancière d’exception qui disparaît », écrit la dirigeante communiste dans un communiqué. « Ses premiers romans symbolisaient la génération des années 60.
Elle savait, comme nul autre pareil, parler des femmes, de leurs doutes, de leurs attentes, de leurs envies », poursuit Marie-George Buffet. « Son style pouvait à la fois plaire ou agacer mais elle restera pour beaucoup une femme énigmatique, une voix et un style inimitables », conclut-elle.
Philippe Duron, président du conseil régional bas-normand (PS) : « la Normandie ressent une grande tristesse » au lendemain de ce décès. « Cette femme de grand talent, qui a marqué la vie littéraire française du second XXe siècle, rejoint la famille des écrivains qui, de Flaubert à Proust et à Duras, ont fait de notre région une terre de littérature ». « Elle avait adopté le Pays d’Auge, où elle aimait résider depuis très longtemps », rappelle le président de région. « La Normandie tient aujourd’hui à lui rendre hommage ».
Edmonde Charles-Roux, présidente du jury Goncourt: Françoise Sagan a « vécu dangereusement comme beaucoup d’artistes, comme James Dean ». « Elle a connu la gloire à 19 ans, une gloire qui ne l’a jamais quittée. Elle est devenue un mythe. Elle est restée un personnage mythique dont personne n’ignorait la solitude ».
Bertrand Poirot-Delpech, académicien: Françoise Sagan représentait « la grâce, la gaieté, le talent de vivre, le charme » même si « la vie lui a été lourde ». « Il est trop évident qu’elle a rendu plus de gens heureux avec sa littérature qu’elle n’a été elle-même heureuse ».
Massimo Gargia, jet-setter et ancien compagnon de Françoise Sagan, se dit « anéanti » par cette disparition. « Je savais qu’elle était mal. On s’était vus il y a quelques jours. Je pensais vraiment qu’elle s’en sortirait encore cette fois-ci ». « Je garde de Françoise le souvenir d’une extraordinaire histoire d’amour. Notre idylle s’était transformée en amitié amoureuse. Dans les années 80, on avait vraiment évoqué notre mariage mais nos vies étaient devenues trop différentes. Je sortais encore beaucoup. Françoise, qui avait déjà tout vécu, voulait une vie plus calme ». « Françoise n’avait plus un sou dans les dernières années. Absolument rien. Des amis communs l’hébergeaient. Elle avait même dû vendre ses bijoux et les plus beaux cadeaux qu’elle avait reçus dans sa vie. Les droits sur ses derniers livres partaient directement aux impôts ».
Revue de Presse
La presse internationale évoque la disparition de Françoise Sagan
LIBERATION
Antoine de Gaudemar
« Généreuse, inspirée, rapide, rebelle, inclassable, inimitable. ruinée, mais avec un capital de sympathie intact, et immense. C’est rare, un écrivain qui suscite autant d’empathie, presque de compassion dans sa dernière période (…) Sagan, c’était plus que Sagan, plus qu’un phénomène éditorial (…) On lui pardonnait, on ne savait pas trop pourquoi. Peut-être parce que si elle ne sacralisait pas la littérature, ses textes apparemment mineurs contenaient toujours une forme d’urgence, de nécessité. Elle avait une vision trop modeste d’elle-même et de ce qu’elle écrivait pour s’imaginer faire école, mais pourtant un de ses tours de force aura été d’épouser constamment son époque sans jamais céder à l’air du temps. C’est cette résonance mélange unique de gravité et de légèreté qui fera date. »
LE DAUPHINE LIBERE
Didier Pobel
« (…) La jeunesse d’avant 68 avait besoin d’un vade-mecum. La rebelle à la coiffure de Beatle blond tombait à pic. Elle devint une sorte d’icône moderne. La femme de toutes les audaces. De tous les excès aussi. Alcool, vitesse, casinos… On la lut un peu moins. On la vit beaucoup dans les magazines. A la télévision, elle bafouillait délicieusement, l’index vrillé vers son oeil, la cigarette pointée comme une arme douce. Les années Mitterrand l’entraînèrent dans des galères pas roses du tout. On peut prôner l’infidélité et rester fidèle. »
Espagne
EL PAIS
« Un écrivain qui a incarné la liberté à la française », titre le journal espagnol, estimant qu’avec elle disparaît « une certaine idée de la liberté d’esprit, mais aussi de la France des années 1960 ».
LA VANGUARDIA
« Bonsoir Françoise », titre en français le journal catalan, pour qui Sagan « était une star de rock avant même que celles-ci ne commencent à éclore et à marquer de leur empreinte le mode de vie européen ».
ABC
Le journal conservateur voit en Sagan « un mythe comparable à celui de Bardot et de James Dean ». « Il fut un temps, dans les années 50 et 60, où la jeunesse était tellement coupée du monde extérieur qu’elle guettait des signes susceptibles d’atténuer l’angoisse qu’elle ressentait pour tout ce qu’elle devinait et ignorait en même temps. Un de ces signes fut sans aucun doute la lecture de Bonjour tristesse, un court roman écrit par une jeune inconnue nommée François Sagan », écrit ABC.
EL MUNDO
Pour El Mundo, « François Sagan a incarné l’esprit rebelle et indomptable d’une époque, celle du Paris des années 60. Avec ses désirs juvéniles de liberté et ses inégalables dons créatifs ».
Bibliographie de Françoise Sagan
Le 24 mai 1954, Françoise Sagan recevait le Prix des critiques pour Bonjour tristesse. François Mauriac salue à la une du Figaro, un «charmant monstre». Suivent une cinquantainende livres, pour la plupart des romans, dont le meilleur a été regroupé en «Bouquins» Laffont.
Chez Julliard : Un certain sourire (1956), Dans un mois, dans un an (1957) Aimez-vous Brahms (1959), La Chamade (1965), Le Garde du cœur (1968).
Chez Flammarion : Un peu de soleil dans l’eau froide (1968), Des Bleus à l’âme (1972), Un Profil perdu (1974), le Chien couchant (1980).
Chez Ramsay-Pauvert : La Femme fardée paraît (1981).
Sagan passe chez Gallimard pour le premier volume de ses Mémoires, Avec mon meilleur souvenir (1984), De Guerre lasse (1985), Un Sang d’aquarelle (1987).
Elle revient chez Julliard avec La Laisse (1989), Les Faux-Fuyants (1992), Et toute ma sympathie (1993).
Ses deux derniers romans sont publiés chez Plon: Un Chagrin de passage (1994), Le Miroir égaré (1996).
Son dernier ouvrage est encore un ultime recueil de souvenirs où elle raconte comment elle a écrit certains de ses livres: Derrière l’épaule (1998).
Quelques Citations de Françoise Sagan
– La vie: «On ne m’ôtera jamais de l’idée que c’est uniquement en se colletant avec les extrêmes de soi-même, avec ses contradictions, ses goûts, ses dégoûts et ses fureurs que l’on peut comprendre un tout petit peu, oh je dis bien un tout petit peu, ce que c’est que la vie, en tout cas la mienne».
– l’argent : « Un très bon valet, un très mauvais maître».
– La mort : «Je me suis habituée peu à peu à l’idée de la mort comme à une idée plate, une solution comme une autre si cette maladie (après son accident en 1957) ne s’arrange pas. (…) Ce serait triste mais nécessaire, je suis incapable de tricher longtemps avec mon corps. Me tuer… Dieu que l’on peut être seule parfois».
– La solitude : «Le voilà lâché, le mot clé: la solitude. Ce petit lièvre mécanique qu’on lâche sur les cynodromes et derrière lequel se précipitent les grands lévriers de nos passions, de nos amitiés, essoufflés et avides, ce petit lièvre qu’ils ne rattrapent jamais mais qu’ils croient toujours accessible, à force. Jusqu’à ce qu’on leur rabatte la porte au nez».
– La vitesse : «Elle aplatit les platanes au long des routes, elle allonge et distord les lettres lumineuses des postes à essence, la nuit, elle bâillonne les cris des pneus devenus muets d’attention tout à coup, elle décoiffe aussi les chagrins: on a beau être fou d’amour, en vain, on l’est moins à 200 à l’heure».
«La vitesse rejoint le bonheur de vivre et par conséquent le confus espoir de mourir».
– Ses mariages : «La première fois que je me suis mariée, je croyais au mariage. Je croyais à la nécessité de vivre avec l’homme que j’aimais, et je croyais que cela pouvait durer».
«Je me suis mariée la seconde fois par tendresse, par réel goût et aussi par sens des responsabilités à l’égard de mon fils. J’attendais un enfant, Bob était fou de joie à l’idée d’avoir un enfant et ma mère se désolait d’avoir une fille-mère».
– Son fils : «Quand on me l’a mis dans mes bras, j’ai eu une impression d’extravagante euphorie. (…) Je sais ce que c’est d’être un arbre avec une nouvelle branche: c’est d’avoir un enfant».
«C’est assez extraordinaire de sentir ainsi tout à coup dans votre vie un oeil qui vous regarde comme vous, vous avez envie d’être regardée. Et sous ce regard je sens que je n’ai plus la liberté de mourir».