Présentation du roman
Au début des années 1960, aux balbutiements du futur situationnisme, la bohème littéraire et étudiante se retrouve au « Condé », un café de l’Odéon. Parmi les habitués, les quatre narrateurs du roman : un étudiant des Mines, un ancien des RG, une certaine Youki, alias Jacqueline Delanque, et Roland, jeune apprenti écrivain. Dans la première séquence, l’étudiant des Mines se souvient de la vie au « Condé » et décrit minutieusement les apparitions de Youki, jeune femme de 22 ans apparemment sans attache, qui lui donne l’impression de vouloir faire « peau neuve ». Dans la deuxième, Caisley, l’ancien des RG, mène l’enquête : le mari de Youki, Jean-Pierre Choureau, l’a chargé de la retrouver. Il découvre son enfance, aux abords du Moulin-Rouge où travaillait sa mère. Troisième partie : Youki prend la parole et se souvient de son enfance, de ses fugues, des bars interlopes du XVIIIe… Elle évoque les hommes qui l’ont aimée : Jean-Pierre Choureau, Roland, Guy de Veer l’ésotériste qui lui a fait connaître la figure de « Louise du Néant » à laquelle elle s’identifie. Dernière partie : Roland se rappelle sa rencontre avec Youki et leur amour. Jeune homme passionné par l’« éternel retour » et qui écrit un essai sur les « zones neutres », il flotte, comme Youki, et croit pouvoir la rejoindre dans ses pensées. Mais elle lui échappe comme à tous les autres… Jusqu’au jour où il apprend, au « Condé », que Youki s’est défenestrée… À travers le passionnant portrait kaléidoscopique d’une jeune femme à l’enfance déchirée et la peinture précise du Paris des années 1960, Dans le café de la jeunesse perdue laisse une impression tenace de poésie autant que d’insituable malaise. Une sensation étrange, qui prend le lecteur à la gorge.
L’auteur
Patrick Modiano est né en 1945 à Boulogne-Billancourt.
Il suit des études a I’école du Montcel à Jouy-en-Josas , au collège Saint-Joseph de Thônes (Haute-Savoie) puis au lycée Henri-lV (Paris).
Dès 1967 il se consacre exclusivement à l’écriture : il sera romancier.
Patrick Modiano publie en 1968 , à 23 ans, La Place de l’Etoile (Prix Roger Nimier). Dans ce premier roman, il n’hésite pas à prendre le contre pied de l’Histoire officielle tendant alors à faire de tous les français des héros de la seconde guerre mondiale.
Patrick Modiano a ensuite publié les livres suivants : Les Boulevards de ceinture (1972), Villa Triste (1975), Rue des Boutiques Obscures (Prix Goncourt 1978) , Une Jeunesse (1981), Quartier perdu (1984), Dimanches d’Août (1986), Remise de peine (1988), Vestiaire de l’enfance (1989), Voyages de noces (1990), Fleurs de ruine (1991), Un cirque passe (1992), chien de printemps (1993), du plus loin de l’oubli (1996), Dora Bruder (1997).
Patrick Modiano a obtenu, en 1984, le prix de la Fondation Pierre de Monaco pour l’ensemble de son œuvre.
Il a également écrit le scénario de Lacombe Lucien (1974), un film réalisé par Louis Malle.
Les romans de Patrick Modiano tissent des liens entre le passé et le présent et expriment une nostalgie qui flotte entre la mémoire et l’oubli. Ils évoquent la nostalgie du temps qui passe, l’obsession des tragédies de la Deuxième Guerre mondiale (notamment la période de l’occupation), ainsi que celles de la guerre d’Algérie.
Dans Livret de famille, il confie l’obsession qui le hante depuis son premier roman : » Je n’avais que vingt ans, mais ma mémoire précédait ma naissance. J’étais sûr par exemple d’avoir vécu dans le Paris de l’Occupation puisque je me souvenais de certains personnages de cette époque et de détails infimes et troublants, de ceux qu’aucun livre d’histoire ne mentionne. Pourtant j’essayais de lutter contre la pesanteur qui me tirait en arrière , et rêvais de me délivrer d’une mémoire empoisonnée . »
Prix obtenus : Roger-Nimier pour La Place de l’Étoile (1967), Académie française pour Les Boulevards de ceinture (1972), Goncourt pour Rue des boutiques obscures (1978).
Autres oeuvres marquantes : La Ronde de nuit (1969), Villa Triste (1975), Un pedigree (2005)
Source : dossier de presse de l’éditeur
La presse en parle
« Certains livres nous endurcissent. Catalogue de solides pensées, manuel d’inflexibilité, traité pour dominer le monde – ou son monde. D’autres, bien plus précieux et nécessaires, nous fragilisent, nous désarment. Ainsi de ce bouleversant portrait d’une femme si proche et si perdue, peint par Modiano, exactement à la lisière de l’ombre et de la lumière ».
Patrick Kéchichian Le Monde ( 5 octobre 2007)
« Il y a presque toujours une rue « en pente douce » dans les livres de Patrick Modiano. Ce n’est pas un tic d’écrivain. Plutôt une référence discrète à l’endroit où il vécut au début des années 1950 avec son jeune frère, à Jouy-en-Josas. Une sorte de paradis perdu, un horizon qui s’éloigne peu à peu. Cette année, la rue en pente est bien au rendez-vous, dès la huitième page du texte. Vous ne pouvez que la suivre, et elle « vous amène là, au point précis où vous deviez échouer », écrit Modiano. Cette dérive inéluctable, celle de Louki, l’héroïne, au cours des années 1960, c’est tout le sujet de « Dans le café de la jeunesse perdue ». Un roman superbe et émouvant qui descend en pente douce vers une fin tragique ».
Denis Cosnard – les Echos ( 2 Octobre 2007)
« La jeune femme qui va se tuer, Jacqueline Delanque, épouse Choureau, est le centre de gravité du livre. Elle entre par une porte de café à la première page ; elle en sort par une fenêtre à la dernière. Sa mère était ouvreuse au Moulin Rouge. Modiano marchait beaucoup par-là, naguère, sur les pentes d’avant Montmartre. Parfois, se souvient-il, «je croisais la silhouette bizarre de Marcel Aymé, complètement aphasique.» Quand elle rompt avec quelqu’un, Jacqueline change de quartier. Elle transporte son malaise et sa grâce dans ce que son ami appelle des «zones neutres» : rues aux identités diaphanes, paraissant ne jamais être à leur place ».
Philippe Lançon – Libération ( 4 octobre 2007)
« Les écrivains font toujours le même livre. Toute leur vie. A quelques variantes près. Le titre du dernier Modiano est déjà en soi un condensé de l’oeuvre. Dans le café de la jeunesse perdue. Il y a ce temps du souvenir derrière lequel court l’auteur sans jamais le rattraper. Ce goût pour des lieux cristallisant ceux qui y séjournent, ici le café. Et puis cette angoisse face au sentiment de la perte, celle de la mémoire, celle des repères, aussi ».
Pascal Gavillet – La Tribune de Genève ( 4 Octobre 2007)
« C’était au début des années 1960. Elle s’appelait Louki, elle était jeune, jolie, noctambule, mystérieuse, semblait seule au monde et, comme on dit au cinéma, accrochait la lumière. De son vrai nom Jacqueline Delanque, elle était née de père inconnu en Sologne et avait grandi à Paris, dans la Nouvelle Athènes, avec sa mère, ouvreuse au Moulin Rouge. Encore mineure, elle avait pris goût à la fugue dans le quartier interlope de Pigalle, à la drogue, à l’ésotérisme et à la lecture. Et puis elle avait épousé, et aussitôt quitté, un homme élégant, de quinze ans son aîné, qui habitait Neuilly. Depuis, à la manière des jeunes filles portraiturées par Patrick Modiano dans «Des inconnues», elle errait d’une rive à l’autre et venait se réfugier, comme apeurée, dans un café de l’Odéon, Le Condé, que fréquentaient alors des écrivains étranges et des artistes désenchantés. Ils n’eurent pas le temps d’être ses protecteurs, car Louki n’a pas longtemps vécu. Elle a fini par se défénestrer ».
Jérome Garcin – Le Nouvel Observateur (27 septembre 2007)
« Louki, comme chacun ici, a son secret : un autre nom, une autre vie, une enfance dont elle s’est évadée – et, plus secret encore que tout cela, une fragilité intime, un désarroi dont elle ne dit rien et auquel elle n’a de cesse de tenter d’échapper par la fuite. Quatre voix se succèdent, au fil du roman, pour dire chacune une partie de l’histoire de la jeune femme, y apporter des éléments neufs. Louki elle-même est l’une de ces voix. On entend également celle d’un jeune étudiant qu’elle a côtoyé au café de Condé. Celle encore d’un mystérieux détective privé. Celle enfin de Roland, l’amant de Louki, apprenti écrivain cherchant dans la ville ce qu’il appelle les « zones neutres » : des lieux « intermédiaires », des « no man’s land où l’on était à la lisière de tout, en transit, ou même en suspens » ».
Nathalie Crom – Télérama – (3 octobre 2007)
Source bibliographique
Dans le café de la jeunesse perdue de Patrick Modiano Editions Gallimard – sortie : 11 octobre 2007
En savoir plus :
Rue des Boutiques obscures de Patrick Modiano