Introduction
«Polémiste, encyclopédiste, savant, grand voyageur épris de tolérance, moraliste sans morale, éducateur, ivrogne, humaniste camouflant son humanisme sous des torrents d’obscénités, romancier se servant du réalisme au seul bénéfice de l’imagination, linguiste maître du langage et créateur de mots, Rabelais est un précurseur dans tous les domaines et la plus comique de nos énigmes.» Jean d’Ormesson Une autre Histoire de la littérature Tome I
On sait peu de choses de la personnalité de Rabelais, si bien que toutes les hypothèses ont été envisagées. Pour certains, c’est un ivrogne et un jouisseur; pour d’autres un érudit et un travailleur infatigable. Pour les uns, un passionné des lettres; pour les autres un paillard qui égare le lecteur dans des festins orgiaques.
Son parcours, bien que peuplé de plusieurs zones d’ombre est un peu mieux connu : François Rabelais a d’abord été moine, puis traducteur, médecin et enfin écrivain. Son nom est indissociable des deux héros auxquels il a consacré ses écrits : Gargantua et Pantagruel, deux géants, père et fils. Ce n’est pas lui qui les a créés : ils sont en effet issus de la littérature du Moyen âge. Tout juste, s’est il contenté de transformer le petit diable marin assoiffé en un géant en quête de vin mais aussi de savoir et de toutes les richesses du monde.
Rabelais a allié une culture étonnante à un rire franc. Son ambition était à la fois d’amuser et d’instruire. La gaieté éclatante de ses textes, tout d’abord : elle se justifie « !pour ce que rire est le propre de l’homme! ». La pédagogie ensuite. Pour lui, les nourritures intellectuelles et terrestres sont indissociables , si bien qu’ils les mélange dans la célèbre métaphore du prologue de Gargantua : il invite le lecteur à approfondir le sens du récit, à « rompre l’os et sucer la substantifique moelle ».
Rabelais fut enfin un infatigable humaniste. Comme l’écrit Madeleine Lazard, l’œuvre de Rabelais est un acte de confiance en l’individu. Il a contribué à l’émergence d’une nouvelle idée de l’homme, celle de « l’homme moderne ». Confiance en l’homme, donc en son émancipation : « le libérer des effets d’un déterminisme paralysant pour lui restituer toute sa puissance. » Démarche toute entière résumée dans le célèbre thème de la société idéale de l’abbaye de Thélème : « Fais ce que voudras. »
Thibault Doulan
Biographie
1483 | François Rabelais serait né en 1483 ( la date de 1494 est également avancée) à la métairie de la Devinière, près de Chinon en Touraine. Il est le fils d’Antoine Rabelais, sénéchal de Lerné et avocat. |
1510 | Il est novice chez les franciscains de la Baumette, près d’Angers. Il suit des études de théologie. Il fait la connaissance de Pierre Amy et d’André Tiraqueau qui l’initient à l’hellénisme. |
1520 | Rabelais est frère prêcheur et mène une vie monastique à l’abbaye de Fontenay le Comte, en Vendée. Les premiers écrits que l’on ait retrouvé de François Rabelais datent de cette période. Il s’agit d’une correspondance entre Rabelais et l’humaniste Guillaume Budé. Il entreprend une traduction de l’historien grec Hérodote |
1523 | Une lettre de Guillaume Budé nous permet de savoir que Rabelais et son ami Pierre Lamy se sont faits confisquer, cette année-là, leurs livres grecs par leurs supérieurs. En effet, suite aux commentaires d’Erasme sur le texte grec des évangiles, une directive de la Sorbonne interdit leur lecture. |
1524 | Rabelais obtient le droit de quitter l’ordre des franciscains et rejoint l’ordre des Bénédictins. Il devient moine à l’abbaye Saint-Pierre de Maillezais en Poitou. Il y est accueilli par l’évêque humaniste Geoffroy d’Estissac. Il sera son secrétaire jusqu’en 1526. |
1528 | Rabelais séjourne probablement à Paris et commence ses études de médecine. Il quitte alors l’habit monastique et est condamné pour apostasie ( changement d’ordre sans permission). Il a une liaison avec une veuve dont on ne sait rien. Ils auront deux enfants . |
1530 | Il s’inscrit en septembre à la faculté de médecine de Montpellier, une des plus célèbres de l’époque. Il est reçu bachelier en médecine dès Novembre. Ce succès rapide peut s’expliquer par sa très bonne maîtrise du Grec ( la médecine s’appuyant alors essentiellement sur la connaissance des textes). Galien et Hippocrate, sont ses maîtres. Il traduit leurs textes en latin. |
1532 | Rabelais publie L’epistolarum medicinalium (les lettres médicinales) du médecin italien Manardi Il publie son premier « roman gigantesque » les Horribles et Espouvantables Faicts et Prouesses du très renommé Pantagruel, roy des Dipsodes, fils du grant Gargantua, chronique truculente de la vie d’un géant aux appétits joyeux, qu’il signe Alcofrybas Nasier (anagramme de son nom et de son prénom) Le 1er novembre, Il est nommé médecin à l’hôpital Notre-Dame de la Pitié à Lyon. |
1533 | Son Pantagruel est condamné par la Sorbonne comme livre obscène . Pour échapper aux conséquences de cette censure, il se met sous la protection de son ancien évêque, Geoffroy d’Estissac . |
1534 | Il devient le médecin particuliers de l’évêque de Paris Jean du Bellay (cousin du poète Joachim du Bellay). Il l’accompagne à Rome, il parcourt la Rome Antique. De retour à Lyon, il fait paraître la Topographie de l’ancienne Rome, de Marliani. |
1535 | Il publie à Lyon la Vie très horrifique du grant Gargantua, père de Pantagruel, sous le même pseudonyme. Ce livre connaît un grand succès mais est également condamné. Il retourne à Rome. Il obtient du pape Paul III l’absolution de son apostasie et la permission de réintégrer l’ordre des bénédictins, avec l’autorisation de poursuivre la médecine, à l’exception de la chirurgie. Rabelais choisit le couvent de Saint Maur des Fossés, près de Paris, que dirige Jean du Bellay. Il y reste jusqu’en 1537. |
1537 | Rabelais est reçu docteur en médecine à Montpellier. |
1538 | Il assiste à Aigues Mortes à la rencontre entre François 1er et Charles Quint. |
1540 | Troisième voyage en Italie. Rabelais accompagne le frère du cardinal du Bellay, Guillaume du Bellay, qui vient d’être nommé gouverneur du Piémont. |
1541 | Retour en France |
1542 | Il publie chez l’éditeur lyonnais François Juste, une version expurgée de Gargantua et de Pantagruel Il retourne en Piémont où il accompagne Guillaume du Bellay |
1543 | Retour en France Il a un troisième enfant qui meurt très jeune |
1544 | Rabelais se retire hors du royaume, à Metz. |
1546 | Il publie le Tiers Livre des faicts et dicts héroïques du bon Pantagruel, qui malgré l’approbation de François 1er, est à nouveau condamné par les théologiens |
1547 | Dernier voyage en Italie avec le cardinal Jean du Bellay. Première version du Quart Livre |
1549 | Publication de la Sciomachie et de Festins faits à Rome |
1552 | Publication de la version définitive du Quart Livre |
1553 | Mort de Rabelais |
1564 | Parution, onze ans après sa mort, du cinquième et dernier livre de Pantagruel |
Oeuvres
1532 | L’epistolarum medicinalium (les lettres médicinales) du médecin italien Manardi les Horribles et Espouvantables Faicts et Prouesses du très renommé Pantagruel, roy des Dipsodes, fils du grant Gargantua |
1534 | Topographie de l’ancienne Rome, de Marliani. |
1535 | la Vie très horrifique du grant Gargantua, père de Pantagruel |
1542 | version expurgée de Gargantua et de Pantagruel |
1546 | le Tiers Livre des faicts et dicts héroïques du bon Pantagruel |
1549 | la Sciomachie et Festins faits à Rome |
1552 | Le Quart Livre |
1564 | Cinquième et dernier livre de Pantagruel (posthume) |