Boris Pasternak de son vrai nom Boris Leonidovitch est né le 10 février 1890 à Moscou.
Il est le fils aîné d’un peintre connu, Leonid Pasternak, illustrateur préféré de Tolstoi, professeur à l’Ecole des beux-arts de Moscou, et d’une pianiste virtuose, Rosalia Kaufman, qui a renoncé à sa carrière en se mariant.
Pasternak est élevé dans l’amour de tous les arts. Tolstoï, Rilke et le grand compositeur Skriabine sont les amis de la famille ; ils exerceront sur lui une profonde influence. A 13 ans l’émerveillement devant la musique de Scriabine, éveille sa première vocation. Il compose une sonate que le musicien a couvert d’éloges. Mais six ans plus tard Borisrenonce brusquement à la musique pour se consacrer à des études universitaires de philosophie.
Pasternak subit l’influence du symbolisme avant de faire ses débuts sous la bannière du futurisme et devenir l’ami de Maïatovski. Son lyrisme fondé sur un sentiment de participation à l’élan créateur de la vie, le conduit, malgré son adhésion spontanée à la révolution, à résister à la domination de l’idéologie marxiste, puis à la contester dans le roman d’inspiration autobiographique, « Le docteur Jivago ».
Pasternak a salué la Révolution, y compris les décrets bolcheviques d’octobre 1917, cette « magnifique chirurgie », comme dira le docteur Jivago, son porte-parole. Mais il ne conçoit pas que l’art puisse obéir à des impératifs politiques, si nobles soient-ils. La poésie ne se commande pas : c’est une « haute maladie » qui défie la raison et la volonté.
En même temps qu’il s’affirme comme l’un des premiers poètes de sa génération, Pasternak cherche aussi sa voie dans la prose. Le récit autobiographique Sauf-conduit, conçu en 1927 comme un hommage à Rilke, devient une profession de foi et une apologie de la poésie face à l’idéologie communiste. Achevée au moment où apparaissent les premiers symptômes de la terreur, l’œuvre laisse deviner à travers l’image de Venise, le spectre de l’Etat policier, et se conclut par l’évocation du suicide de Maïatovski présenté comme le tragique accomplissement du principe subversif inhérent à tout lyrisme.
Marié en 1923 à une jeune artiste peintre, Evguénia Lourie, qui lui donne un fils, Evguéni, Pasternak se sépare d’elle en 1931 pour former un nouveau foyer avec Zinaida Neuhans, elle-même séparée du pianiste Heinrich Neuhans. La passion qu’elle lui inspire et le séjour qu’il fait avec elle en Géorgie, où il est accueilli et choyé par l’élite culturelle du pays, sont vécus comme une « seconde naissance » dont l’euphorie le rend perméable à la propagande communiste.
Mais la faveur officielle l’asservit et lui pèse : en juin 1935, souffrant d’une grave dépression, il est enrôlé de force dans la délégation soviétique au Congrès antifasciste de Paris.
Vers 1936, il cesse progressivement toute activité publique et se retire dans la « datcha » de Peredelkino, aux environs de Moscou, mise à sa disposition par l’Union des écrivains.
L’arrestation et le procès de Boukharine (1938) dissipent ses illusions sur Staline et en font désormais un opposant silencieux.
Il traduit des poèmes de Keats, de Shelley, de Verlaine (son poète français préféré), de Petöfi, de Slowacki.
En 1938 il entreprend une traduction de Hamlet suivie par six autres tragédies de Shakespeare, de Goethe et de Schiller.
Son existence retirée lui a rendu la sérénité. La guerre, qui entraîne en 1941, l’évacuation de sa famille et son propre enrôlement dans la défense civile de la capitale, lui apparaît pourtant comme une épreuve purificatrice. Elle lui inspire des poèmes patriotiques.
Dès août 1946, les décrets de Jdanov annoncent de nouvelles persécutions. Olga Ivinskaïa, sa dernière passion, de vingt ans sa cadette lui inspire le personnage de Lara. Elle est belle, elle est libre. Soupçonnée d’espionnage, en octobre 1949 elle est arrêtée. Pressions et menaces ne le font pas renoncer à son projet de roman auquel il continue de travailler en secret jusqu’à la mort de Staline et la libération d’Olga Ivinskaïa en avril 1953.
Achevé en 1955, Le docteur Jivago est, sous les apparences d’une fresque historique des « années terribles de la Russie» un roman d’amour et une fable symbolique. Ce qui l’intéresse, c’est bien plus sa vie intime, ses sentiments ou le processus de ses pensées que l’analyse objective des luttes révolutionnaires. Sa tentative pour concilier l’âme du poète avec la société soviétique ne réussit qu’imparfaitement.
Sa publication en Italie (octobre 1957) après qu’elle a été rejetée par les éditeurs soviétiques, est une événement de portée mondiale, le défi involontaire d’un homme seul face à un système totalitaire encore sans faille.
L’attribution du prix Nobel en octobre 1958, qui lui apporte le soutien de l’opinion mondiale, en fera un paria dénoncé comme un traître devant l’opinion de son pays. Exclu de l’Union des écrivains soviétiques, donc privé de tout moyen d’existence légal, et menacé d’exil, il devra refuser le prix pour mettre fin aux persécutions.
Boris Pasternak est mort à Peredelkino (près de Moscou) le 30 mai 1960.
Source bibliographique : Rosanna Delpiano