La marquise de Merteuil, la libertine manipulatrice des Liaisons dangereuses

La marquise de Merteuil est le personnage clef des Liaisons dangereuses, le roman épistolaire de Pierre Choderlos de Laclos (1782).  

Dès son enfance, à peine entrée dans le monde, la future marquise de Merteuil découvre les règles et les principes qui ne doivent rien ni au hasard, ni à l’habitude. Elle pratique l’observation et la réflexion systématiques : « Tandis qu’on me croyait étourdie ou distraite, écoutant peu à la vérité les discours qu’on s’empressait à me tenir, je recueillais avec soin ceux qu’on cherchait à me cacher ». Cette curiosité toujours en éveil, en stimulant son activité intellectuelle, pousse Mme de Merteuil à feindre pour échapper à l’attention des autres : «  Forcée souvent de cacher les objets de mon attention aux yeux qui m’entouraient, j’essayai de guider les miens à mon gré … Encouragée par ce premier succès, je tâchai de régler de même les divers mouvements de ma figure. Ressentais-je quelque chagrin, je m’étudiais à prendre l’air de la sérénité, même celui de la joie. »

La marquise de Merteuil (Glenn Close) dans Les Liaisons dangereuses de Stephen Frears (1988)

Glenn Close (La marquise de Merteuil )
dans Les Liaisons dangereuses de Stephen Frears (1988)

En exerçant sa volonté et en apprenant à se dominer, la marquise devient peu à peu maitresse de ses émotions. Elle réussit à créer en elle des automatismes qui libèrent insensiblement le fonctionnement de son esprit. Elle est encore jeune fille quand elle ressent déjà l’impérieux besoin de préserver son intégrité, son absolue liberté intérieure. Une telle éducation ne tarde pas à produire ses fruits : « Je n’avais pas quinze ans, je possédais déjà les talents auxquels la plus grande partie de nos Politiques doivent leur réputation, et je ne me trouvais encore qu’aux premiers éléments de la science que je voulais acquérir. »

C’est ainsi qu’elle devient manipulatrice, utilisant son intelligence, son charme, et son pouvoir de séduction pour contrôler les autres à sa guise.  Bien qu’elle évolue dans une société patriarcale du XVIIIe siècle, la marquise refuse d’être une victime du système. Contrairement aux attentes sociales de son époque, elle choisit de rester veuve afin de garder sa liberté, à la fois financière et sociale.

Elle se considère l’égale des hommes, notamment du vicomte de Valmont, son complice et parfois rival. Elle l’encourage à séduire Cécile de Volanges, jeune fille de 15 ans, à peine sortie du couvent,  afin de se venger de son ancien amant, Gercourt, qui veut épouser cette jeune, riche et jolie héritière.

Elle pousse également Valmont à séduire la Présidente de Tourvel, jolie, dévote, vertueuse uniquement pour le plaisir de la voir tomber. Valmont parvient à séduire la Présidente et rapporte à Mme de Merteuil tous les détails de la chute de Mme de Tourvel.  Il exige sa récompense, une nuit d’amour avec la marquise.  

Glenn Close (la marquise de Merteuil), John Malkovich (le vicomte de Valmont), 
& Michelle Pfeiffer (madame de Tourvel) 
dans Les Liaisons dangereuses de Stephen Frears (1988)

Glenn Close (la marquise de Merteuil), John Malkovich (le vicomte de Valmont),
& Michelle Pfeiffer (madame de Tourvel)
dans Les Liaisons dangereuses de Stephen Frears (1988)

Mais Merteuil la lui refuse, par jalousie : elle se juge insultée par l’attitude fort cavalière de Valmont, et l’accuse d’être amoureux de la Présidente. Elle exige le sacrifice de la Présidente, et fait parvenir à Valmont un  modèle de lettre de rupture cinglante et destructrice. Valmont le recopie et l’envoie à la Présidente, sans penser aux conséquences d’un tel acte. Il songe à se réconcilier avec celle-ci. Mme de Merteuil triomphe, et le fait savoir à Valmont :  «Oui, Vicomte, vous aimiez beaucoup Mme de Tourvel, et même vous l’aimez encore ; vous l’aimez comme un fou : mais parce que je m’amusais à vous en faire honte, vous l’avez bravement sacrifiée. »

Effectivement, Mme de Tourvel sombre dans la folie, et Valmont ne peut réparer sa faute. Mme de Merteuil brave Valmont, en se refusant à lui, et en lui préférant Danceny. Valmont pose un ultimatum à la Marquise et exige une réponse claire : « je vous déclare avec plaisir que je préfère la paix et l’union : mais s’il faut rompre l’une ou l’autre, je crois en avoir le droit et les moyens.J’ajoute donc que le moindre obstacle mis de votre part, sera pris de la mienne pour une véritable déclaration de guerre : vous voyez que la réponse que je vous demande, n’exige ni longues ni belles phrases. Deux mots suffisent ». La réponse de la Marquise sera cinglante : .  « Hé bien ! la guerre. ».

Valmont a l’initiative : il tente de rappeler à Danceny ses sentiments envers Cécile. Le stratagème semble fonctionner. Mais Mme de Merteuil réplique, en dévoilant la vérité à Danceny, concernant Valmont et Cécile : il provoque Valmont en duel, et le tue. Mais Valmont, avant de mourir, confie les lettres de Mme de Merteuil à Danceny. Danceny, avant de quitter Paris pour Malte, a fait connaître ces lettres. La Présidente, en apprenant la mort de Valmont, meurt. Cécile, à la nouvelle de la mort de Valmont et du scandale qui compromet Mme de Merteuil, décide de prendre le voile. Sa mère, qui ne comprend rien, et pense même à l’unir à Danceny, accepte sa décision, sur les conseils discrets de Mme de Rosemonde. La Marquise de Merteuil est publiquement démasquée. Atteinte de la petite vérole, Mme de Merteuil devient borgne et se trouve défigurée. Elle perd un procès qui était en cours et doit fuir en Hollande. Comme l’écrit Mme de Volanges dans la lettre qui clôt l’œuvre : « Qui pourrait ne pas frémir en songeant aux malheurs que peut causer une seule liaison dangereuse !  »

Source bibliographique

  • Les liaisons dangereuses de Pierre Choderlos de Laclos ( Editions Folio) 
  • Kléber Haedens  Une Histoire de la Littérature française, Grasset 1970 
  • Dictionnaire des Grandes Oeuvres de la Littérature française, Jean-Pierre de Beaumarchais, Daniel Couty (Editions Larousse)

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