Contexte
Cette comédie en un acte et en prose de Pierre Carlet de Chamblain de Marivaux a été créée par les comédiens italiens en 1725 et publiée à Paris la même année. Cette comédie de Marivaux est qualifiée de « petit bijou » par Beaumarchais lui-même. Elle conduit les spectateurs des lazzi d’Arlequin à la vision d’une société nouvelle.
Dans un contexte Maître-Valet, Marivaux oscille entre deux pôles différents : l’utopie et la comédie de mœurs.
Il met également en scène deux tonalités, l’une comique (Arlequin) et l’autre tragique (Euphrosine).
Résumé de la pièce
Iphicrate et son valet Arlequin font naufrage. Ils débarquent dans l’île des esclaves, une île fondée, il y a une centaine d’années par des esclaves révoltés. Dans cette île les maîtres deviennent des valets et les valets des maîtres. Ainsi, Iphicrate et son laquais Arlequin, Euphrosine et sa soubrette Cléanthis échangent leur condition, leurs vêtements et aussi leurs noms.
Dès leur arrivée , chacun se voit contraint d’en observer la loi, dont Trivelin, ancien esclave et gouverneur de l’île, est le garant. Entre autres humiliations que les anciens maîtres ont à subir, pour leur bien d’ailleurs, ils doivent s’entendre dire leurs vérités par leurs serviteurs. Trivelin demande à la servante Cléanthis de tracer le portrait de sa maîtresse Euphrosine et il promet d’abréger cette épreuve si Euphrosine reconnaît la vérité de ce portrait.
Cléanthis et Arlequin prennent beaucoup de recul par rapport à leur nouveau statut et miment une scène de séduction mondaine. Arlequin entreprend la conquête d’Euphrosine mais il est ému par la souffrance que lui cause son nouveau statut.
Finalement, Arlequin pardonne à son maître et reprend son habit de valet ; Cléanthis imite son exemple. Pleins de gratitude et de remords, Iphicrate et Euphrosine les embrassent avec émotion. C’est cette réconciliation que souhaitait Trivelin, qui tire la morale de la comédie en disant aux serviteurs : « Nous aurions puni vos vengeances comme nous avons puni leurs duretés » et aux maîtres : « Vous avez été leurs maîtres, et vous avez mal agi ; ils sont devenus les vôtres et ils vous pardonnent ; faîtes vos réflexions là-dessus. La différence des conditions n’est qu’une épreuve que les dieux font sur nous«
« Parmi les écrivains du XVIIIème siècle , au moins avant Rousseau , on peut penser que c’est Marivaux qui a le mieux dénoncé deux maux assez étroitement liés, quoique inégalement virulents: l’exclusion et l’aliénation sociale ». Henri Coulet, Michel Gilot, Introduction à Marivaux , Théâtre complet, Pléiade, Gallimard, 1993
Source bibliographique
L’Ile des esclaves, Marivaux, Connaissance d’une oeuvre, Yen Mai Tran, Editions Bréal