Très beau moment de théâtre dans cette représentation de l’Éducation sentimentale de Gustave Flaubert au théâtre de Poche à Paris.
Sandrine Molaro et Gilles-Vincent Kapps sont deux sur scène, mais changent de voix, de posture, de mimique avec une fluidité fascinante.
Ils réussissent à incarner à eux seuls la plupart des innombrables personnages de L’Éducation sentimentale. Sur la minuscule scène du théâtre de Poche, aidés d’une guitare électrique, d’un clavier et d’un harmonica, ils donnent vie au Paris révolutionnaire du milieu du 19ème siècle. En étalant son récit de 1841 à 1867, Flaubert y dresse le portrait d’une génération idéaliste puis désabusée.
Captivé, on suit avec un immense plaisir l’histoire de Frédéric Moreau, antihéros romantique par excellence qui, par sa non-implication au monde, brûle peu à peu ses illusions.
La magie opère dans l’atmosphère mise en place. On oscille entre le récit narratif et le jeu. Électrisée par des riffs de guitare jamais invasifs, portée par cette mise en scène dynamique et ces comédiens virevoltants, la langue de Gustave Flaubert résonne dès lors comme jamais : pure, cruelle, ultramoderne, tendant au public de 2024 le miroir de ses petites lâchetés et de ses renoncements.