François VI, duc de La Rochefoucauld

Introduction

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« La véritable éloquence consiste à dire tout ce qu’il faut, et à ne dire que ce qu’il faut. » Maxime N° 250 de La Rochefoucauld

« Comme c’est le caractère des grands esprits de faire entendre en peu de paroles beaucoup de choses, les petits esprits au contraire ont le don de beaucoup parler, et de ne rien dire. »

Cette maxime de La Rochefoucauld pourrait servir d’épigraphe à ses Réflexions ou sentences et maximes morales, aujourd’hui appelées simplement Maximes. En effet, la maxime est une forme brève, et pourtant elle peut être infiniment riche. Elle est à la mode dans les milieux mondains que fréquente La Rochefoucauld. Mais c’est lui qui, délaissant l’épée pour prendre la plume, lui a donné ses lettres de noblesse.

Clémence Camon

Biographie

Vie de La Rochefoucauld :

François VI, duc de La Rochefoucauld naît le 15 septembre 1613 à Paris. Il portera jusqu’à la mort de son père le nom et le titre de prince de Marcillac, selon la tradition familiale. Il est marié à quatorze ans, à Andrée de Vivonne, dont il aura huit enfants. A titre indicatif, La Fontaine naît en 1621, Molière en 1622, Pascal en 1623, Bossuet en 1627, Mme de Lafayette en 1634, Boileau en 1636, Racine en 1639, et La Bruyère en 1645.

1. Un courtisan à la vie romanesque : les combats, les complots, les blessures.

La Rochefoucauld fait son entrée à la cour en 1629, après avoir participé à la première campagne en Italie. Il a pris plusieurs fois les armes pour défendre les intérêts de la France au cours de la guerre de Trente Ans (1618-1648; intervention de la France : 1635-1648) : en 1635-1636, par exemple, il combat contre les Espagnols, il participe à la campagne militaire en Flandre en 1639, et dans le nord de la France en 1645. Mais appartenant à la haute noblesse, il a également combattu aux côtés de ses pairs, contre Richelieu, puis Mazarin, qui cherchaient tous deux à réduire l’influence de celle-ci au profit du pouvoir monarchique. Le père de La Rochefoucauld , François V, est exilé en province à la suite de la journée des Dupes, le 10 novembre 1630, qui consacre la puissance de Richelieu. La Rochefoucauld lui-même entretient des relations tendues avec Richelieu, sans doute parce qu’il est le confident de la reine Anne d’Autriche, et donc dangereux pour le cardinal. De plus il a projeté d’enlever la Reine avec l’aide de la duchesse de Chevreuse : il est embastillé en 1637, puis exilé dans le Poitou. En 1639, Richelieu tente de se concilier La Rochefoucauld, mais ce dernier se retire dans ses terres.

A la mort de Richelieu, en 1642, La Rochefoucauld revient à la cour, dans l’espoir de voir ses mérites récompensés. Mazarin succède à Richelieu, avec le même projet de  » rabaisser l’orgueil des Grands  » (Mémoires de Richelieu). Son pouvoir suscite la jalousie de ceux-ci. A la mort de Louis XIII, sous la régence de la Reine, un an plus tard, La Rochefoucauld intrigue avec les Importants (nom donné ironiquement à la faction politique liguée contre le pouvoir de Mazarin). Lors de la Fronde parlementaire, qui débute en 1648, La Rochefoucauld défend pourtant les intérêts de la Cour. Mais Mazarin n’est guère généreux avec La Rochefoucauld, il lui refuse le duché à titre personnel, et le tabouret à la Cour pour sa femme. En décembre, La Rochefoucauld, rejoint donc la Fronde. Durant la Fronde des Princes, qui débute en 1650, il joue un rôle important. Son château de Verteuil est rasé, par mesure de représailles. Mais La Rochefoucauld est amnistié en septembre. En 1651, il menace de mort son ennemi et rival le cardinal de Retz au cours d’une séance du Parlement.

A la fin de la Fronde, en 1653, La Rochefoucauld revient dans ses terres, à Verteuil, en disgrâce. Il tente de se rétablir physiquement, car il a été blessé à plusieurs reprises, dans les affrontements liés à la Fronde: en février 1649 il est  » tiré à bout touchant « , en juillet 1652, un coup de mousquet manque lui ôter la vue. Il profite également de cette période de calme pour mettre de l’ordre dans ses affaires.

2. L’  » honnête homme « : Les Mémoires, les Maximes, les salons, les amitiés:

En 1653, La Rochefoucauld commence à rédiger ses Mémoires, qui seront publiés à Bruxelles en 1662. Consacrés notamment à la régence d’Anne d’Autriche, ils fournissent un intéressant témoignage sur les années 1624-1659. Mais devant le scandale qu’ils susciteront, La Rochefoucauld les désavouera. Il revient à Paris en 1656.

A la fin de 1657 sont composées les premières maximes, en collaboration avec Mme de Sablé et Jacques Esprit. Elle habite une maison construite dans le monastère de Port-Royal, lui est janséniste. Mais La Rochefoucauld fréquente également des épicuriens, des philosophes, des gens du monde, des lettrés ou des ecclésiastiques, dans les salons de la marquise de Sablé, de Mme de La Fayette, de Mlle de Scudéry, de Mlle de Montpensier, ou encore de la marquise de Sévigné. Des influences très variées se rencontrent ainsi dans ces salons, où l’on cultive l’idéal de l’  » honnête homme « , l’intérêt pour la psychologie, et la curiosité à l’égard des différents courants de pensée en vogue. En 1662 La Rochefoucauld rencontre Mme de Lafayette. C’est le début d’une grande amitié, à laquelle on a longtemps attribué l’écriture à deux mains de La Princesse de Clèves.

En 1663, a lieu la consultation auprès des amis de Mme de Sablé sur l’intérêt de publier ces Maximes. Des exemplaires circulent, et malgré les précautions prises, une édition subreptice paraît en Hollande. C’est ce qui pousse La Rochefoucauld à publier ses Réflexions ou sentences et maximes morales, comme l’explique l’avis au lecteur de la première édition :  » Il y a apparence que l’intention du peintre [La Rochefoucauld] n’a jamais été de faire paraître cet ouvrage, et qu’il serait encore renfermé dans son cabinet si une méchante copie qui en a couru, et qui a passé même depuis quelque temps en Hollande, n’avait obligé un de ses amis de m’en donner une autre, qu’il dit être tout à fait conforme à l’original.  » Si ces maximes sont nées d’une collaboration entre trois personnes, c’est La Rochefoucauld qui assume entièrement la responsabilité des éditions successives, en ajoutant ou retranchant des maximes pour chaque nouvelle édition, en 1666, 1671, 1675 et 1678.

La Rochefoucauld met un terme à sa carrière militaire en 1667, après avoir participé au siège de Lille. Il meurt le 17 mars 1680, à soixante-six ans, après avoir reçu l’extrême-onction des mains de Bossuet. Après la mort de La Rochefoucauld parurent ses Réflexions diverses, dix-neuf textes assez longs, qui traitent de sujets tels que le vrai, le faux, la société, la conversation, le rapport des hommes avec les animaux, les coquettes et les vieillards, l’inconstance, ou les événements de ce siècle, qui présentent des portraits du Cardinal de Retz ou de Mme de Montespan.

Saint-Simon jugera sévèrement le La Rochefoucauld courtisan ambitieux, avide de reconnaissance et de privilèges qu’il n’obtiendra pas. Mais il reconnaîtra que le moraliste fit dans les salons parisiens  » les délices de l’esprit et de la compagnie la plus choisie « . C’est la définition de l' » honnête homme « .

Pour finir, laissons à La Rochefoucauld le soin de se définir lui-même, en parcourant le portrait qu’il fit de lui-même, en 1659 :  » pour parler de mon humeur, je suis mélancolique […] J’ai de l’esprit et je ne fais point difficulté de le dire ; […] La conversation des honnêtes gens est un des plaisirs qui me touchent le plus […] J’écris bien en prose, je fais bien en vers, et si j’étais sensible à la gloire qui vient de ce côté-là, je pense qu’avec peu de travail je pourrais m’acquérir assez de réputation […] J’ai les sentiments vertueux, les inclinations belles, et une si forte envie d’être tout à fait honnête homme que mes amis ne me sauraient faire un plus grand plaisir que de m’avertir sincèrement de mes défauts. « 

Clémence Camon

Oeuvres

1976 LA ROCHEFOUCAULD, Maximes et Réflexions diverses, édition Jean Lafond, deuxième édition revue et corrigée, Gallimard, coll.  » Folio classique « 
1967 LA ROCHEFOUCAULD, Maximes et Réflexions diverses, édition Jacques Truchet, Garnier
1972 BARTHES Roland,  » La Rochefoucauld :  » Réflexions ou Sentences et Maximes  » in Nouveaux Essais critiques, Seuil, coll.  » Points Essais « 
1948 BENICHOU Paul,  » La métaphysique du jansénisme  » et  » La démolition du héros  » in Morales du grand siècle, Gallimard, coll.  » Folio / Essais « 
1967 BENICHOU Paul,  » L’intention des Maximes  » in L’Ecrivain et ses travaux, Corti
1992 MORELLO André-Alain,  » Actualité de La Rochefoucauld  » in Les Moralistes du XVIIème siècle, coll.  » Bouquins « , Robert Laffont
1962 mai : STAROBINSKI Jean,  » Complexité de La Rochefoucauld  » in Preuves
1966 juillet – août : STAROBIN : SKI Jean,  » La Rochefoucauld et les morales substitutives « , N.R.F

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