« Je le ( la Princesse de Clèves) trouve très agréable, bien écrit, sans être extrêmement châtié, plein de choses d’une délicatesse admirable, et qu’il faut même relire plus d’une fois, et surtout ce que j’y trouve, c’est une parfaite imitation du monde de la cour et de la manière dont on y vit. Il n’y a rien de romanesque, ni de grimpé; aussi n’est-ce pas un roman, c’est proprement des mémoires et c’était, à ce que l’on m’a dit, le titre du livre, mais on l’a changé. » Mme de la Fayette, Lettre du 13 avril 1678 à Lescheraine, secrétaire de madame Royale de Nemours-Savoie.
« La Princesse de Clèves et sa Zayde furent les premiers romans où l’on vit les mœurs des honnêtes gens et des aventures naturelles décrites avec grâce. Avant elle, on écrivait d’un style ampoulé des choses peu vraisemblables. » Voltaire, Siècle de Louis XIV
« Il est touchant de penser dans quelle situation particulière naquirent ces êtres si charmants, si purs, ces personnages nobles et sans tâche, ces sentiments si frais, si accomplis, si tendres; comment Mme de La Fayette mit tout ce que son âme aimante et poétique tenait en réserve, des premiers rêves toujours chéris, et comme M. de la Rochefoucauld se plut sans doute à retrouver dans M. de Nemours cette fleur brillante de chevalerie dont il avait trop mésusé.
… ainsi ces amis vieillis remontaient par l’imagination à cette première beauté de l’âge où ils ne s’étaient pas connus, et où ils n’avaient pu s’aimer. » Sainte-Beuve, Portraits de femmes
« … Ce style est aussi mesuré que noble; au lieu d’exagérer, Mme de La Fayette n’élève jamais la voix. Son ton uniforme et modéré n’a point d’accent passionné, ni brusque. D’un bout à l’autre de son livre, brille une sérénité charmante; ses personnages semblent glisser au milieu d’un air limpide et lumineux. L’amour, la jalousie atroce, les angoisses suprêmes du corps brisé par la maladie de l’âme, les cris saccadés de la passion, le bruit discordant du monde, tout s’adoucit et s’efface, et le tumulte d’en bas arrive comme une harmonie dans la région pure où nous sommes montés. C’est que l’excessif choque comme le vulgaire; une société si polie repousse les façons de parler violentes, on ne crie pas dans un salon. » Taine, Essais de critique et d’histoire
« Tout en elle nous attire, la rare distinction de son esprit, la ferme droiture de ses sentiments, et surtout, peut-être, ce que nous devinons au plus profond de son coeur : une souffrance cachée qui a été la source de son génie. » Morillot, le roman du XVIIème siècle
« Le bonheur de Don Juan n’est que de la vanité basée, il est vrai sur des circonstances amenées par beaucoup d’esprit et d’activité; mais il doit sentir que le moindre général qui gagne une bataille… a une jouissance plus remarquable que la sienne; tandis que le bonheur du duc de Nemours quand Mme de Clèves dit qu’elle l’aime est, je crois, au dessus du bonheur de Napoléon à Marengo. » Stendhal, de l’amour
« Certes une forte éducation chrétienne, doit être à l’origine de sa fidélité (La Princesse de Clèves) au serment conjugal; mais il aurait été bas d’en parler. Pour dire le vrai, La Princesse de Clèves est encore une sorte de roman de chevalerie. Et, comme un chevalier, la Princesse vise à accomplir » ce qu’il y a de plus difficile » : une victoire sur elle-même, sur sa passion au lieu pour un chevalier, de victoires sur des monstres ou des musulmans infidèles. Il faut dans les deux cas, savoir penser et agir grandement » P. Mille, le roman français (1929)
« Les ombres, les angoisses, les épouvantes, les fuites, les reprises, les reculs, les larmes de la Princesse nous laissent entendre les rêves qui doivent la tourmenter la nuit. Là, ceux qui subissent une règle deviennent libres et trompent impunément ceux qui les regardent dormir. Que deviennent Mme de Clèves et le duc dans leur sommeil ? Sade et Freud s’ébauchent dans ces âmes qui se croyaient simples. » Jean Cocteau, préface à La Princesse de Clèves
« La Princesse de Clèves est une des plus exquises choses qui soient sorties des mains françaises… » Pierre Drieu La Rochelle
« L’auteur avait connu peut-être comme un remords, un tel amour. M. de La Fayette qui adorait sa femme a beaucoup compté pour Mme de La Fayette. Et c’est bien sa propre vie qui donne aux trois-quarts de ce récit, ce goût de vrai qui nous touche encore. Elle définissait tout son mérite quand elle disait de son œuvre » Ce n’est pas un roman ».
C’est aussi un roman, l’un des plus beaux que je connaisse, un roman aristocratique par excellence, non point à cause de ses princes, mais parce que rien n’y est outré. » Jacques Chardonne, Tableau de la Littérature française, 1939
« La Princesse de Clèves. Pas si simple que cela. Elle rebondit en plusieurs récits. Elle débute dans la complication si elle se termine dans l’unité. A côté d’Adolphe, c’est un feuilleton complexe.
Sa simplicité réelle est dans sa conception de l’amour; pour Mme de La Fayette, l’amour est un péril. C’est son postulat. Et ce qu’on sent dans tout son livre comme d’ailleurs dans la Princesse de Montpensier, ou la Comtesse de Tende, c’est une constante méfiance envers l’amour. (Ce qui bien entendu est le contraire de l’indifférence ) » Albert Camus, Carnets, posthume, 1964
Source bibliographique
Jean d’Ormesson , Une autre histoire de la Littérature française ( NIL Editions)
Alain Cantillon, la Princesse de Clèves (Nathan)
Henriette Levillain, la Princesse de Clèves (Gallimard)
Maurice Favergeat, la Princesse de Clèves (Classiques Larousse)