Ce récit d’André Breton (1896-1966) a été publié chez Gallimard en 1928. Il a été réédité en 1963 dans une version « entièrement revue par l’auteur » qui sert désormais de référence.
Comme l’écrivent Jean-Pierre de Beaumarchais et Daniel Couty dans le Dictionnaire des Grandes Ouvres de la Littérature française : « Nadja est le récit d’une aventure réellement vécue par Breton. Celui-ci a rencontré une jeune femme ainsi prénommée en octobre 1926 , et a cessé de la voir en février 1927. L’ouvrage a été rédigé entre août et décembre 1927 . Le poète traverse alors une période de crise morale liée tant à la triste issue de son aventure – Nadja qui a sombré dans la folie , a été internée et Breton se sent vraisemblablement quelque peu coupable – qu’aux tensions intervenues au sein du groupe surréaliste et entre ce dernier et le parti communiste . »
Le récit commence par cette question fondamentale et insoluble : « Qui suis je ? » . S’ensuit alors un long prologue qui propose une série de réflexions qui visent à expliquer la démarche de Breton, avant qu’il ne rencontre Nadja. Il essaie de répondre à partir d’un proverbe : « Dis moi qui tu hantes , je te dirai qui tu es. » Le projet d’André Breton est de comprendre en observant la façon dont se déroule sa vie , en quoi consiste sa singularité. Sans plan préconçu et avec subjectivité, André Breton « nous plonge d’emblée dans une conception du surréalisme comme mode de vie : il est fait de déambulations au hasard, dans un Paris insolite , d’un narrateur seul ou en compagnie de ses amis , Aragon, Soupault ou Desnos . ». André Breton évoque quelques événements qui ont marqué sa vie comme autant de signaux et dont il a été le « témoin hagard », quelques « accidents de pensée » et « de pétrifiantes coïncidences», jusqu’au moment il rencontre Nadja. Cet événement qui forme la partie centrale de l’ouvrage lui apparaît « comme un fait-précipice, de nature à l’entraîner sur les voies d’une exploration mystérieuse du rêve, de la folie, du langage, dans un Paris en proie au vertige des signes, qu’il parcoure comme un grand cryptogramme. »
Puis se produit « l’entrée en scène » de Nadja : on sait qu’il s’agit d’une jeune femme que la misère a conduit à se prostituer et qui s’appelle en réalité Léona D. Le poète l’a rencontrée en 1926 et a conservé ses lettres et ses dessins. « Elle me dit son nom , celui qu’elle s’est choisie : « Nadja, parce qu’en russe , c’est le commencement du mot espérance , et parce que ce n’en n’est que le commencement. » Elle est un « génie libre » , une « créature toujours inspirée et inspirante ».
Nadja va initier le narrateur à la transformation du quotidien en l’entraînant dans des déambulations à travers les rues de Paris. Cette femme mystérieuse, qui s’affirme comme «l’âme errante», invite le poète à « une traversée du miroir qui l’emmène de l’autre côté de la réalité, au-delà de la frontière qui distingue le réel de l’imaginaire mais sépare aussi la raison et la folie ».
Nadja apparaît comme un mythe doué de pouvoirs mystérieux, un être fragile détenteur d’une vérité étrangère à celle de la rationalité. Mais André Breton ne parvient pas à répondre à la passion qu’elle lui porte. Nadja perd la raison et est internée dans un hôpital psychiatrique. Le poète ne la reverra pas.
L’épilogue , très elliptique, est adressé à une femme anonyme que le poète a rencontrée en novembre 1927 et qu’il a passionnément aimée : l’amour qu’il éprouve pour elle lui paraît avoir été annoncé par sa rencontre avec Nadja.
Chloe Delatour
Source bibliographique
Nadja d’André Breton, étude Vincent Debaene ( Profil d’une oeuvre) Editions Hatier
Le Robert des Grands Ecrivains de langue française
50 romans clés de la Littérature française de Jean-Claude Berton, ( Hatier)
Kléber Haedens Une Histoire de la Littérature française, Grasset 1970
Dictionnaire des Grandes Oeuvres de la Littérature française, Jean-Pierre de Beaumarchais, Daniel Couty (Editions Larousse)