Paul Otchakovsky-Laurens est décédé mardi 2 janvier 2018, à l’âge de 73 ans, dans un accident de voiture sur l’île de Marie-Galante, où il séjournait pour des vacances, a confirmé Jean-Paul Hirsch, le responsable de la communication de P.O.L, à l’Agence France-Presse. Sa compagne, l’écrivaine et peintre Emmelene Landon, présente à bord du véhicule, a été blessée dans l’accident.
Paul Otchakovsky-Laurens, fondateur des éditions P.O.L, a publié des ouvrages de Georges Perec ou Marguerite Duras. Il a également fait découvrir des auteurs comme Emmanuel Carrère, Marie Darrieussecq ou Camille Laurens.
Né en 1944 à Valréas, dans le Vaucluse, Paul Otchakovsky-Laurens a débuté dans l’édition en tant que stagiaire chez Christian Bourgois en 1969, avant de devenir lecteur chez Flammarion en 1970. C’est en 1977 que les trois lettres P.O.L, qui lui servent d’initiales, deviennent l’acronyme de la collection qu’il crée chez Hachette. Il publie alors plusieurs textes de Georges Perec, dont La Vie mode d’emploi, un an plus tard. En 1983, il transforme P.O.L en maison d’édition indépendante en publiant Le Livre des ciels de Leslie Kaplan et L’Invention du corps de Saint-Marc de Richard Millet. Les couvertures des livres sont immédiatement reconnaissables avec les trois lettres majuscules et points bleus sur fond blanc. P.O.L publie rapidement Marguerite Duras, notamment La Douleur en 1985 et La Pluie d’été (1990).
Dans les années 1990, la maison d’édition connaît un grand essor en éditant de jeunes auteurs à succès comme Marie Darrieussecq pour Truismes ou encore Martin Winckler pour La Maladie de Sachs. Se sont greffées depuis au catalogue d’autres valeurs montantes devenues confirmées comme Emmanuel Carrère, qui se fit découvrir avec L’Adversaire en 2000, ou encore Atiq Rahimi, lauréat du prix Goncourt pour Syngué sabour. Pierre de patience en 2008. Paul Otchakovsky-Laurens, qui a présidé l’Avance sur recette au CNC de 2011 à 2013, avait notamment réalisé un documentaire fin 2017, Éditeur, dans lequel il faisait « le récit de (s)a vocation ».
L’hommage d’Emmanuel Carrère sur Liberation
«Paul [Otchakovsky-Laurens] a été mon éditeur pendant trente-cinq ans, nous avons été amis trente-cinq ans. Cette amitié a parfois été orageuse, toujours intime : chacun ne savait pas tout de l’autre, mais quand même beaucoup. Nous parlions moins de livres que de films et moins de films que de la vie mais j’aimais la façon dont ses yeux brillaient quand on lui apportait un manuscrit. En général, il y touchait peu : c’était un éditeur peu directif, un compagnon plus qu’un patron, un frère plus qu’un père, une figure de liberté plus que d’autorité.
«J’étais aussi, depuis très longtemps, avant même qu’ils se rencontrent, ami avec sa femme, Emmelene Landon, peintre et écrivain, grièvement blessée dans l’accident et à qui je pense, ces terribles jours-ci, à chaque instant. C’était le premier cercle, la petite poignée de gens avec qui on fait la traversée de la vie. De façon enfantine, et malgré nos quelque dix ans de différence, j’étais persuadé que Paul serait là jusqu’au bout, qu’il mourrait un jour à son bureau et que ce jour était lointain, improbable. Lui-même, je crois, pensait la même chose. Il lui fallait du temps, pour aimer Emmie, pour découvrir de nouveaux auteurs, pour faire du cinéma qui a été sa seconde passion, et il croyait instinctivement que ce temps lui serait donné. Entre son premier film, Sablé-sur-Sarthe, Sarthe, et le second, Editeur (j’aime ces deux films comme je l’aimais lui, et pour les mêmes raisons), il a tourné autour d’un projet de film sur la mort. Oui, sur la mort, et sur la peur qu’il en avait, loin de tout détachement philosophique. Il n’a pas eu le temps de la voir venir, je ne sais pas si c’est bien dans l’absolu mais à lui, tel que je le connais, c’est ce que j’aurais souhaité.»
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