Résumé de Lettre d’une inconnue de Stefan Zweig

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Lettre d’une inconnue (titre original en allemand : Brief einer Unbekannten) de l’écrivain autrichien Stefan Zweig est à mi-chemin entre le roman court et la nouvelle .

Lettre d’une inconnue a été publié en 1922, et traduit pour la première fois en français en 1927. C’est un véritable joyau de la littérature.

Résumé détaillé de Lettre d’une inconnue de Stefan Zweig

Une superbe adaptation de Lettre d’une inconnue par Max Ophüls , en 1948,
avec Joan Fontaine, Louis Jourdan

La lettre mystérieuse

De retour à Vienne après trois jours passés en montagne, le romancier R. découvre que c’est son anniversaire (Il a 41 ans), mais cet événement lui est indifférent. À son domicile, son domestique lui remet le courrier reçu pendant son absence. R. parcourt rapidement les lettres, mettant de côté celle dont l’écriture lui est inconnue. Installé avec un thé et un cigare, il décide finalement de l’ouvrir. Au sommet de la première page, il lit : « À toi qui jamais ne m’aura connue. »

En lisant les premières lignes, R. apprend que la femme qui lui écrit a perdu son enfant, emporté par la grippe après trois jours et trois nuits de lutte acharnée pour le sauver. Épuisée, elle s’était endormie, et, à son réveil, l’enfant avait succombé. Dans le désespoir, elle adresse une ultime lettre à l’homme qu’elle a aimé toute sa vie, R., celui « qui jamais ne l’aura connue. » Elle précise que si R. reçoit cette lettre, c’est qu’elle-même est morte, car autrement, elle l’aurait détruite. Dans cette confession, elle lui révèle qu’elle l’a connu alors qu’elle avait seulement treize ans et qu’ils vivaient dans le même immeuble, celui que R. habite encore aujourd’hui. À travers cette lettre, elle se dévoile enfin.

Un écrivain arrive dans l’immeuble

L’auteure de la lettre vivait avec sa mère, veuve d’un fonctionnaire, dans l’appartement voisin de R. Avant l’arrivée de ce dernier, cet appartement était occupé par une famille pauvre et querelleuse, qui terrorisait l’immeuble avec ses disputes nocturnes. Le père, alcoolique et violent, frappait sa femme. Suite à son arrestation, la famille fut obligée de quitter les lieux, et peu de temps après, R., un écrivain solitaire, emménagea.

À treize ans, l’expéditrice de la lettre rencontre le domestique de R., Johann, un homme accueillant qui supervise divers travaux. Elle est fascinée par les objets exotiques et les livres multilingues que possède R., y compris des livres en français, anglais et d’autres langues qu’elle ne reconnaît pas. Incapable de voir R. directement, elle se met à l’imaginer : un homme d’un certain âge, barbu, avec des lunettes. Malgré cette image, elle le trouve déjà beau et bienveillant.

Lorsqu’elle aperçoit enfin R. pour la première fois, elle se rend compte de son erreur. Il est jeune, élégant, svelte et particulièrement beau. Elle réalise alors qu’il mène une sorte de double vie. Au quotidien, R. apparaît comme un jeune homme ardent, amateur de jeux et d’aventures, montrant ainsi sa « face claire » au monde. Dans son écriture, R. devient un homme sérieux, rigoureux, et extrêmement cultivé, révélant une « face sombre » qu’il est le seul à connaître.

Un amour secret

Rapidement, l’expéditrice raconte dans sa lettre qu’elle a commencé à observer R. de plus en plus souvent. Elle voyait défiler beaucoup de visiteurs dans son appartement, notamment « beaucoup de femmes ». Au départ, elle ignorait ce qui la poussait à le regarder, mais elle ne se questionnait pas, simplement, elle le faisait. Un jour, en revenant de l’école, elle discutait avec une amie devant l’immeuble quand R. est arrivé. Par réflexe, elle lui a ouvert la porte, et il l’a remerciée avec un « regard doux et caressant ». Sans savoir encore qu’il offrait ce regard à toutes les femmes, elle se sentit honorée et rougit. Son amie, voyant sa réaction, se moqua d’elle. Blessée, elle monta chez elle en réalisant pour la première fois qu’elle était amoureuse de lui. Dès lors, elle vécut dans le but de lui plaire. Elle devint une excellente élève, sachant qu’il était cultivé, apprit le piano, pensant qu’il aimait la musique, et veillait à être toujours élégante.

Elle poursuit en évoquant ses souvenirs, ses gestes secrets, comme embrasser la poignée de la porte qu’il avait touchée ou conserver un mégot de cigarette en souvenir de ses lèvres. De ses treize à seize ans, elle passait ses après-midis à l’observer par l’œilleton de sa porte. Peu à peu, elle apprit à connaître les visiteurs, à apprécier certains et à en redouter d’autres. Seuls ses départs en voyage troublaient son quotidien. Elle se souvient qu’un jour, elle aida Johann, le domestique, à rentrer un tapis. Elle put entrer chez R., et même si ce fut bref, cela la combla de bonheur. Elle était si absorbée par R. que le reste du monde avait perdu tout intérêt, si bien qu’elle ne remarqua même pas que sa mère voyait de plus en plus un commerçant d’Innsbruck. Elle croyait vivre un bonheur parfait, jusqu’à ce que ce commerçant demande la main de sa mère, l’obligeant à déménager. Leur appartement se vida petit à petit, jusqu’à la dernière nuit.

Lisa Berndle (Joan Fontaine) et Stefan Brand (Louis Jourdan) dans « Lettre d’une inconnue » (1948), de Max Ophüls.

Innsbruck

Elle confie à R. qu’elle tenta de lui rendre visite cet après-midi-là, mais il était absent. Elle l’attendit, sans succès. Le soir venu, elle espéra encore le voir pour lui dire adieu. Elle souhaitait plus que tout être près de lui. Quand elle l’entendit enfin rentrer au milieu de la nuit, elle réalisa qu’il n’était pas seul. Elle ignore encore comment elle a survécu à cette nuit déchirante.

Elle explique qu’elle ne connaît presque rien d’Innsbruck, où elle a vécu deux ans. Elle ne sortait pas et ne se mêlait à personne. De ses seize à dix-huit ans, cette ville fut pour elle synonyme de tristesse, car elle était séparée de R. Bien que présente physiquement, son esprit et son cœur étaient restés à Vienne. Elle achetait chacun de ses livres et en mémorisait chaque ligne. Peu à peu, elle attira l’attention des garçons, mais son amour pour l’écrivain demeura intact. Son unique désir était de lui offrir sa virginité, de se donner à lui.

Elle convainquit sa mère et son beau-père de la laisser retourner à Vienne pour travailler, et s’installa chez des proches en trouvant un emploi dans un grand magasin. Chaque soir, après le travail, elle se rendait près de leur ancien immeuble pour tenter de l’apercevoir. Un soir, en le voyant au bras d’une autre femme, elle ressentit pour la première fois la jalousie, réalisant qu’elle ne le regardait plus avec des yeux d’enfant.

Le retour

Un soir, l’écrivain passe devant elle. S’il ne la reconnaît pas, il la remarque et la fixe de ce regard doux qui la trouble. Elle, de son côté, avait imaginé maintes fois ce moment durant les deux dernières années, mais jamais elle n’aurait envisagé qu’il la voie comme une inconnue, une étrangère. Elle, qui n’avait pensé qu’à lui tout ce temps, prend soudain conscience qu’il ne l’avait jamais vraiment remarquée auparavant.

Le lendemain, ils se croisent à nouveau. Il la reconnaît, mais non comme la voisine de son passé, plutôt comme la belle inconnue aperçue la veille. Il l’invite à dîner, et elle accepte. Après le repas, il lui propose de passer un moment dans son appartement, et elle acquiesce encore. Bien que surpris par sa facilité à accepter, l’écrivain semble apprécier ces retrouvailles impromptues.

Naissance

Elle lui confie à quel point elle a savouré cette nuit, où leurs corps se sont retrouvés dans une passion intense. Leur liaison a duré trois nuits avant que l’écrivain ne reparte en voyage. Il lui demande une adresse pour lui écrire, et elle lui en fournit une sans mentionner son nom. Pendant son absence, elle ne reçoit aucune lettre, mais elle ne lui en tient pas rigueur, sachant bien qu’il est ainsi.

L’expéditrice lui révèle alors que cet enfant décédé était le leur, un fils. Depuis cette liaison, elle n’a jamais eu de relation avec d’autres hommes. Elle n’était pas venue lui annoncer sa grossesse, sachant qu’il chérissait la légèreté de sa vie. Elle était persuadée qu’apprendre l’existence de cet enfant lui aurait inspiré un ressentiment inconscient. Elle a donc préféré garder pour elle ce secret, comme elle avait caché l’intensité de son amour.

Si elle fut heureuse de porter leur enfant, elle admet avoir traversé des mois difficiles. Elle cacha sa grossesse à sa famille et refusa de demander de l’aide financière à sa mère. Dans les derniers mois, elle dut vendre ses derniers bijoux pour épargner un peu d’argent. Dépouillée de ses biens par une blanchisseuse, elle se retrouva à accoucher dans un hôpital, un lieu qu’elle qualifie d’ »enfer ».

Elle demande à l’écrivain de lui pardonner pour ce secret qu’elle dévoile si tard. Il ne connaîtra jamais cet enfant, car il est mort la veille. Elle le décrit à travers sa lettre : un enfant à l’imagination vive, doté de la même dualité qu’elle admirait chez l’écrivain, oscillant entre la légèreté du jeu et la gravité de ses lectures. Il était intelligent et faisait partie des meilleurs élèves, et son charme ne laissait pas les filles indifférentes. Avec ses longs cheveux blonds, il était élégant. Elle confesse qu’elle a dû se vendre pour lui offrir le luxe. Elle ironise en disant que tous les hommes qui l’ont possédée se sont attachés à elle – tous sauf lui.

Préparer l’avenir  

Elle a passé des années à se vendre et à vivre sous le soutien d’hommes fortunés, dans le seul but d’élever leur fils loin de la misère. Elle avoue que si elle a choisi ce chemin, c’est parce qu’il était l’unique homme qu’elle ait jamais aimé. Tout son cœur lui appartenait encore, et c’est pour cela qu’elle se laissait posséder par d’autres sans les aimer. Nombre d’hommes fortunés ont tenté de la conquérir, y compris un comte du Saint-Empire. Elle aurait eu maintes occasions de revoir l’écrivain, mais il l’avait déjà oubliée. Elle lui pardonne, consciente qu’elle ne ressemblait plus à la jeune fille d’autrefois – elle était devenue une femme.

Retrouvailles à l’opéra

Un soir à l’opéra, elle ressent la présence de l’écrivain derrière elle. À ce moment, elle partageait sa vie depuis deux ans avec un jeune fabricant riche de Brünn. Lorsque, au vestiaire, elle voit R. l’attendre et lui demander si elle peut lui accorder du temps, elle abandonne sans hésiter cet homme qui lui offrait une vie de luxe et de confort. Bien qu’elle sache que son comportement est injuste pour lui — un homme généreux et bienveillant —, elle se laisse guider par son amour irrationnel pour l’écrivain et le suit jusqu’à son appartement. Là, ils se retrouvent charnellement, sans que R. ne comprenne qui elle est vraiment. Elle remarque que les fleurs qu’elle lui avait envoyées pour son anniversaire sont soigneusement entretenues. Il plaisante, lui disant qu’elle ignore à qui elles appartiennent, un détail qui l’intrigue.

En se préparant devant le miroir, elle surprend R. glissant des billets dans la poche de son veston. Profondément blessée d’être perçue comme une simple “fille de joie” par cet homme qu’elle aime passionnément, et dont elle est la mère de l’enfant perdu, elle quitte l’appartement précipitamment. Dans sa hâte, elle croise Johann, qui, en un regard, comprend la situation. Elle lui rend les billets et s’en va, le cœur brisé.

La mort

L’expéditrice confie à l’écrivain qu’au décès de leur fils, elle a pris pleinement conscience de sa solitude. Éprise d’un homme qui ne l’a jamais reconnue, le seul lien qui les unissait a été emporté par la mort. Elle sent maintenant que la mort l’entoure elle aussi. Avant de clore sa lettre, elle ne formule qu’une dernière demande : qu’il perpétue le rituel qu’elle a initié depuis leur première nuit ensemble, en achetant chaque année, pour son anniversaire, des roses blanches, comme elle l’a fait jusqu’à maintenant.

À la fin de sa lecture, R. tente de se rappeler cette femme : la jeune voisine, puis la jeune femme, et enfin cette dame distinguée. Trois figures qu’il avait considérées comme des personnes distinctes. Bien qu’il ait souvent rêvé d’elles, il est incapable de se représenter son visage. En jetant un regard vers le vase, il remarque l’absence de roses blanches et réalise qu’il n’en recevra plus jamais.

Source bibliographique

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