Bernard Pivot a donné le goût de la lecture a des centaines de milliers de téléspectateurs.
En 1973, à 28 ans, il anime « Ouvrez les guillemets » pendant 2 ans. Quand « Ouvrez les guillemets » s’efface devant Apostrophes, en janvier 1975 sur Antenne 2, c’est un Bernard Pivot rodé, reconnu, attendu, qui s’embarque pour quinze années d’une navigation contrastée mais quasiment insubmersible. Les éditeurs ne peuvent plus se passer de lui, les auteurs comptent sur lui et son public découvre leurs ouvrages en même temps que lui.
Apostrophes fait la pluie et le beau temps et n’est pas sans susciter des critiques, dont la plus vive viendra de Régis Debray. En 1981, en déplacement au Canada, le conseiller culturel de François Mitterrand s’exclame : « Nous avons des projets : enlever à une émission le monopole du choix des titres et des auteurs, accordé à l’arbitraire d’un seul homme qui exerce une véritable dictature sur le marché du livre. » Avant que cette déclaration se mue en affaire d’Etat – elle fait l’objet d’une question à l’Assemblée nationale –, Régis Debray présentera ses excuses à Bernard Pivot.
En 1983, une enquête Ipsos établit qu’un tiers des achats de livres en France sont dus à « Apostrophes ».
Conscient de l’influence prise par l’émission – « la moindre réserve de ma part mettait fin à la vie d’un livre », confie-t-il au Monde en 2016 –, Bernard Pivot » se met à mesurer ses interventions, tout comme ses invitations.
Le 21 juin 1990, l’animateur, las d’une vie quasi monacale, occupée par dix à douze heures de lecture quotidiennes, tourne la page d’« Apostrophes ». Sollicité pour présenter le JT de 20 heures puis pour diriger une chaîne, il décline. Tout en continuant à soumettre anonymes et personnalités à la douce torture de ses dictées créées en 1985, il lance, le 12 janvier 1991, « Bouillon de culture » qu’il animera pendant 10 ans.
Il a égrené ses souvenirs et ses passions, dans une vingtaine de livres et sur la scène, au théâtre, en 2004. Cette année-là il devient membre du jury Goncourt, avant de le présider, entre 2014 et 2019.
Il a bouleversé la vie littéraire en France. Il est mort lundi 6 mai, à l’âge de 89 ans, a annoncé sa famille à l’AFP.
Source : le Monde, Télérama