Introduction
«Elle a toujours écrit en épurant de plus en plus : chaque fois un peu moins de mots et un peu plus de silences, un peu moins de cantabile et un peu plus de moderato. Elle a toujours vécu en ajoutant sans retrancher.» Claude Roy, Nous , Gallimard, 1972
« Un jour, j’étais âgée déjà, dans le hall d’un lieu public, un homme est venu vers moi. Il s’est fait connaître et il m’a dit : « Je vous connais depuis toujours. Tout le monde dit que vous étiez belle lorsque vous étiez jeune, je suis venu vous dire que pour moi je vous trouve plus belle maintenant que lorsque vous étiez jeune, j’aime moins votre visage de jeune femme que celui que vous avez maintenant, dévasté». Je pense souvent à cette image que je suis seule à voir encore et dont je n’ai jamais parlé. Elle est toujours là dans le même silence, émerveillante. C’est entre toutes celle qui me plaît de moi-même, celle où je me reconnais, où je m’enchante ».
Ainsi commence l’Amant, le roman qui valut, en 1984, à Marguerite Duras avec le Goncourt – le plus célèbre des prix littéraires français-, un tirage de près de trois millions d’exemplaires, des traductions dans une quarantaine de langues et un énorme succès mondial, amplifié par le film qu’allait en tirer Jean-Jacques Annaud.
Comme l’indique Jean-Louis Arnaud : « Etonnant visage, en effet, que celui de cette femme, et étonnant parcours que le sien, de la grâce sensuelle et troublante d’une jeune fille de l’entre-deux-guerres à la moue goguenarde et au regard de batracien du monstre sacré contemporain, les yeux provocants toujours grands ouverts derrière ses grosses lunettes ».
« Entre dix-huit ans et vingt-cinq ans, mon visage est parti dans une direction imprévue, écrit-elle encore… Ce vieillissement a été brutal. Je l’ai vu gagner mes traits un à un… Ce visage-là, nouveau, je l’ai gardé. Il a été mon visage. Il a vieilli encore, bien sûr, mais relativement moins qu’il aurait dû. J’ai un visage lacéré de rides sèches et profondes, à la peau cassée. Il ne s’est pas affaissé il a gardé les mêmes contours mais sa matière est détruite. J’ai un visage détruit…
« La destruction, poursuit Jean-Louis Arnaud. Un mot clé chez Marguerite Duras, qui se regarde dans ses romans, son théâtre et ses films comme dans autant de miroirs et s’identifie à son oeuvre au point de ne plus savoir ce qui est autobiographie et ce qui est fiction. L’amour, la vie, la mort. Comme tous ses personnages, l’auteur subit la loi impitoyable de la destruction, mais sa propre vitalité et son talent font qu’elle y trouve d’intarissables sources d’ivresse ».
Marguerite Donnadieu est née le 14 avril 1914 à Gia Dinh en Indochine. Son père est professeur de mathématiques, et sa mère institutrice. Son père meurt en 1918 alors qu’elle n’a que 4 ans. Elle reste avec sa mère, qui poursuit une carrière modeste dans les écoles indigènes, et ses deux frères , Pierre , l’aîné, et Paulo, le futur Joseph d’un Barrage contre le Pacifique.
Adolescente , elle est pensionnaire au lycée de Saïgon. A 15 ans, elle rencontre un jeune et riche chinois qui devient son amant. Elle évoquera cette première aventure amoureuse dans l’Amant.
En 1932 , Marguerite Donnadieu vient en France où elle fait des études de droit, de mathématiques et de sciences politiques.
Elle épouse Robert Antelme en 1939. Ils auront un enfant en 1942, qui meurt à la naissance. A partir de 1943, elle rejoint la résistance avec son mari. Ce dernier sera arrêté et déporté à Dachau en 1944. Il échappera de justesse à la mort et publiera en 1947 un ouvrage de souvenirs et de réflexions : L’Espèce Humaine.
Marguerite Donnadieu (elle prend alors le pseudonyme de Marguerite Duras, le nom d’un village du Lot et Garonne) publie en 1943 son premier roman , Les Impudents. Dès lors elle ne cessera d’écrire des romans, des pièces de théâtre, des entretiens, des adaptations de textes étrangers et de nombreux articles.
Elle connaît son premier grand succès avec Un barrage contre le Pacifique, publié en 1950. Moderato Cantabile (1958) marque un tournant dans son parcours littéraire. « Désormais la romancière a trouvé sa véritable attitude d’écrivain , qui consiste non pas à organiser un texte, mais à dominer ce qui survient tout à coup, dans un espace où on se retire de soi-même , plus proche en ce sans de Bataille et de Blanchot dont elle partage la préoccupation d’émettre une parole de l’indicible, entre silence et cri , que du nouveau roman, auquel elle refusa toujours d’être assimilée ».
Elle connaît une notoriété internationale avec Hiroshima mon amour, le film d’Alain Resnais dont elle écrit le scénario et les dialogues.
C’est avec l’Amant (1984) qu’elle connaît la Gloire. Ce roman connaît un énorme succès. Marguerite Duras, qui a alors 70 ans, reçoit le Prix Goncourt . Le roman sera traduit dans une quarantaine de langues et adapté au cinéma par Jean-Jacques Annaud.
Marguerite Duras est décédée le 3 mars 1996.
Thibault Doulan
Source bibliographique
Marguerite Duras de Christiane Blot-Labarrère, Editions du Seuil, Coll. » Les Contemporains « , 1992-1997
Le Monde, dossier et documents d’Avril 2003, Duras, l’écriture mise à nu
Un barrage contre le Pacifique de Marguerite Duras, étude de Gisèle Guillo, Profil d’une œuvre (Hatier)
Biographie
1914 | Naissance de Marguerite Donnadieu à Gia Dinh en Indochine. Son père est professeur de mathématiques, et sa mère institutrice. Marguerite a deux frères plus âgés qu’elle. |
1918 | Mort du père |
1921 | Retour en France |
1922 | Retour en Indochine. Elle vit à Phnom-Penh, Vinh-Long, Sadec. Sa mère achète une concession incultivable à Prey-Nop (Cambodge). |
1930 | Saigon. Loge à la pension Lyautey. Etudes secondaires au lycée Chasseloup-Laubat. |
1932-1933 | Retour définitif en France après le baccalauréat. Vit à Paris. Etudes de mathématiques, de droit, de sciences politiques. |
1937 | Emploi au Ministère des Colonies. |
1939 | Mariage avec Robert Antelme |
1940-42 | Publie en collaboration avec Philippe Roques, L’Empire français, Gallimard. Travaille au Cercle de la Librairie. La Famille Taneran est refusé par Gallimard. Mort de son premier enfant. Mort de Paul, son plus jeune frère durant la guerre sino-japonaise. Rencontre avec Dyonis Mascolo. |
1943 | Publication des Impudents sous le pseudonyme de Marguerite Duras ( village du Lot et Garonne). Vit au 5, rue Saint-Benoît, Paris VIème. Fréquente Genêt, Michaux, Bataille, Merleau-Ponty, Leibowitz, Morin … Adhère avec Robert Antelme et D. Mascolo au Mouvement national des prisonniers de guerre. Activités dans la Résistance aux côtés de François Mitterrand (Morland) |
1944 | Arrestation et déportation de Robert Antelme à Buchenwald, puis Dachau (voir La Douleur). Adhésion au parti communiste. Publication de La Vie tranquille. |
1945 | Libération de Robert Antelme. Fonde avec Robert Antelme les Editions de la Cité universelle, qui publient, en 1946, L’An zéro de l’Allemagne d’Edgar Morin, les œuvres de Saint-Just présentées par D. Mascolo et, en 1947, L’Espèce humaine de Robert Antelme |
1947 | Divorce de Robert Antelme. Naissance de son fils Jean Mascolo, dit Outa. |
1950 | Publication du Barrage contre le Pacifique. Exclusion du Parti communiste. |
1952 | Le Marin de Gibraltar |
1953 | Les Petits Chevaux de Tarquinia |
1954 | Des journées entières dans les arbres |
1955 | Première pièce de théâtre : Le Square |
1957 | Se sépare de D. Mascolo. Première expérience journalistique à France-Observateur |
1958 | Moderato Cantabile. Lutte depuis 1955 contre la poursuite de la guerre d’Algérie, puis contre le pouvoir gaulliste. |
1959 | Scénario de Hiroshima mon amour pour Alain Resnais. |
1960 | Entre au jury du prix Médicis, dont elle démissionne quelques années après. Déclaration sur le droit à l’insoumission dans la guerre d’Algérie. Fréquente Maurice Blanchot. |
1961 | Ecrit Une aussi longue absence pour le film d’Henri Colpi. Ce scénario est le fruit d’une collaboration avec Gérard Jarlot, prix Médicis 1963. |
1962 | L’Après-midi de M. Andesmas |
1964 | Le Ravissement de Lol. V. Stein |
1965 | Le Vice-Consul |
1966 | Coréalise La Musica avec Paul Seban. Rencontre avec Delphine Seyrig |
1968 | Participe aux événements de Mai. Lire dans Les Yeux verts le texte politique sur la naissance du Comité d’action étudiants-écrivains, texte rejeté par le Comité qui se disloque rapidement. |
1969 | Porte au cinéma Détruire, dit-elle. |
1970 | Abahn Sabana David |
1971 | L’Amour. |
1975 | Réalise India Song qui obtient le prix de l’Association française des cinémas d’art et d’essai au Festival de Cannes. |
1976 | Réalise Son nom de Venise dans Calcutta Désert. Des journées entières dans les arbres est récompensé par le prix Jean Cocteau. |
1977 | Réalise Le Camion. Se consacre régulièrement au cinéma et publie les textes de ses films. |
1978-1980 | Tourne Le Navire Night, Césarée, Les Mains négatives, Aurélia Steiner. Publie L’Eté 80. Rencontre Yann Andréa son dernier compagnon. |
1981 | Voyage au Canada pour une série de conférences de presse à Montréal. Agatha, Outside (série d’articles réunis avec Yann Andréa). Aux Etats-Unis, en Italie : Dialogue de Rome. |
1982 | Cure de désintoxication à l’Hôpital américain de Neuilly (voir M.D. de Yann Andréa). Publication de L’Homme atlantique et de La Maladie de la mort. |
1984 | Prix Goncourt pour L’Amant. |
1985 | Publication de La Douleur. La prise de position de Marguerite Duras dans l’affaire criminelle dite » affaire Villemin » soulève, à partir d’un article publié dans Libération le 17 juillet, l’hostilité d’une partie des lecteurs et la polémique chez plusieurs féministes. Tourne Les Enfants. |
1986 | Prix Ritz-Paris-Hemingway pour L’Amant, » meilleur roman publié dans l’année en anglais « . |
1987 | Publie Emily L. et La Vie matérielle. |
1988-89 | Grave coma. Hospitalisation. |
1990 | Publication de La Pluie d’été. Mort de Robert Antelme. |
1991 | L’Amant de la Chine du Nord. |
1992 | Yann Andréa Steiner |
1993 | Ecrire |
1995 | C’est tout |
1996 | Meurt à Paris, le dimanche 3 mars. |
Source bibliographique
Marguerite Duras de Christiane Blot-Labarrère, Editions du Seuil, Coll. » Les Contemporains « , 1992,,, mis à jour par C. B.-L. en 1997
Le Monde, dossier et documents d’Avril 2003, Duras, l’écriture mise à nu
Un barrage contre le Pacifique de Marguerite Duras, étude de Gisèle Guillo, Profil d’une œuvre (Hatier)
Oeuvres
1943 | Les Impudents |
1944 | La Vie tranquille. |
1950 | Barrage contre le Pacifique. |
1952 | Le Marin de Gibraltar |
1953 | Les Petits Chevaux de Tarquinia |
1954 | Des journées entières dans les arbres |
1955 | Le Square |
1958 | Moderato Cantabile |
1959 | Scénario de Hiroshima mon amour pour Alain Resnais. |
1961 | Ecrit Une aussi longue absence pour le film d’Henri Colpi. Ce scénario est le fruit d’une collaboration avec Gérard Jarlot, prix Médicis 1963. |
1962 | L’Après-midi de M. Andesmas |
1964 | Le Ravissement de Lol. V. Stein |
1965 | Le Vice-Consul |
1966 | Coréalise La Musica avec Paul Seban. |
1969 | Porte au cinéma Détruire, dit-elle. |
1970 | Abahn Sabana David |
1971 | L’Amour. |
1975 | Réalise India Song qui obtient le prix de l’Association française des cinémas d’art et d’essai au Festival de Cannes. |
1976 | Réalise Son nom de Venise dans Calcutta Désert. Des journées entières dans les arbres est récompensé par le prix Jean Cocteau. |
1977 | Réalise Le Camion. Se consacre régulièrement au cinéma et publie les textes de ses films. |
1978-1980 | Tourne Le Navire Night, Césarée, Les Mains négatives, Aurélia Steiner. Publie L’Eté 80. |
1981 | Agatha, Outside (série d’articles réunis avec Yann Andréa). Dialogue de Rome. |
1982 | L’Homme atlantique et de La Maladie de la mort. |
1984 | L’Amant (prix Goncourt). |
1985 | Publication de La Douleur. Tourne Les Enfants. |
1986 | Prix Ritz-Paris-Hemingway pour L’Amant, » meilleur roman publié dans l’année en anglais « . |
1987 | Emily L. et La Vie matérielle. |
1990 | La Pluie d’été. |
1991 | L’Amant de la Chine du Nord. |
1992 | Yann Andréa Steiner |
1993 | Ecrire |
1995 | C’est tout |
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