Lettres à un jeune poète  de Rainer Maria Rilke

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Résumé et contexte

En 1903, un poète de vingt ans,  Franz Xaver  Kappus, alors étudiant à l’Académie militaire de Wiener-Neustadt,  décide d’envoyer à Rainer-Maria Rilke, ses premiers essais poétiques accompagnés d’une lettre dans laquelle il lui avoue douter de sa vocation.

Il ne pouvait espérer plus belle écoute et plus juste accueil à ses incertitudes.

Pendant 5 ans, de 1903 à 1908 , avec une extrême délicatesse, Rilke répondra régulièrement à ce jeune homme qu’il ne rencontrera jamais

Humble et magistral à la fois, Rilke aborde tous les grands sujets de l’existence :  l’amour, la mort, Dieu, la solitude . Il dévoile également ses influences : l’écrivain danois Jacobsen, le sculpteur Rodin…

Trois ans après la mort du maître, en 1929 , Franz Xaver Kappus édite dix courriers que lui a envoyés l’auteur des Elégies de Duino et les accompagne d’une courte et respectueuse préface. Il décide simplement d’intituler ce recueil : Lettres à un jeune poète.

Ce « guide spirituel » connaîtra un succès éditorial mondial qui ne s’est jamais démenti depuis.

Un  extrait de Lettres à un jeune poète

 […] Cherchez en vous-mêmes. Explorez la raison qui vous commande d’écrire; examinez si elle plonge ses racines au plus profond de votre cour; faites-vous cet aveu : devriez-vous mourir s’il vous était interdit d’écrire. Ceci surtout : demandez-vous à l’heure la plus silencieuse de votre nuit; me faut-il écrire ? Creusez en vous-mêmes à la recherche d’une réponse profonde. Et si celle-ci devait être affirmative, s’il vous était donné d’aller à la rencontre de cette grave question avec un fort et simple « il le faut », alors bâtissez votre vie selon cette nécessité; votre vie, jusqu’en son heure la plus indifférente et la plus infime, doit être le signe et le témoignage de cette impulsion. Puis vous vous approcherez de la nature. Puis vous essayerez, comme un premier homme, de dire ce que vous voyez et vivez, aimez et perdez. N’écrivez pas de poèmes d’amour; évitez d’abord les formes qui sont trop courantes et trop habituelles : ce sont les plus difficiles, car il faut la force de la maturité pour donner, là où de bonnes et parfois brillantes traditions se présentent en foule, ce qui vous est propre. Laissez-donc les motifs communs pour ceux que vous offre votre propre quotidien; décrivez vos tristesses et vos désirs, les pensées fugaces et la foi en quelque beauté. Décrivez tout cela avec une sincérité profonde, paisible et humble, et utilisez, pour vous exprimer, les choses qui vous entourent, les images de vos rêves et les objets de votre souvenir. Si votre quotidien vous paraît pauvre, ne l’accusez pas; accusez-vous vous-même, dites-vous que vous n’êtes pas assez poète pour appeler à vous ses richesses; car pour celui qui crée il n’y a pas de pauvreté, pas de lieu pauvre et indifférent. Et fussiez-vous même dans une prison dont les murs ne laisseraient parvenir à vos sens aucune des rumeurs du monde, n’auriez-vous pas alors toujours votre enfance, cette délicieuse et royale richesse, ce trésor des souvenirs ? Tournez vers elle votre attention. Cherchez à faire resurgir les sensations englouties de ce vaste passé; votre personnalité s’affirmera, votre solitude s’étendra pour devenir une demeure de douce lumière, loin de laquelle passera le bruit des autres.

Autres extraits sur le site Un Monde à lire 


Niels Arestrup

Quelques critiques

Niels Arestrup prête sa voix enchanteresse à la solitude de Rilke

N’écrivez pas des poèmes d’amour », disait Rilke. Niels Arestrup dit les Lettres à un jeune poète, de l’auteur. Avec Les Cahiers de Malte Laurids Brigge, les Lettres à un jeune poète sont le livre le plus lu de Rilke.

Il donne des recommandations nettes.

« N’écrivez pas des poèmes d’amour… Evitez d’abord ces thèmes trop courants… Fuyez les grands sujets pour ceux que v otre quotidien vous offre… Utilisez pour vous exprimer les choses qui vous entourent, les images de vos songes, les objets de vos souvenirs »…

Rilke insiste avant tout sur la solitude :

« Votre solitude se peuplera, et si de ce retour en vous-même des vers vous viennent, alors vous ne songerez pas à vous demander si ces vers sont bons. »

Tout cela est dit avec calme et amitié, mais le ton se fait aussi plus comminatoire, plus sévère :

« Mourriez-vous s’il vous était défendu d’écrire ?… Il suffit, selon moi, de sentir que l’on pourrait vivre sans écrire pour qu’il soit interdit d’écrire. »

Extrait de la critique de Michel Cournot parue dans le Monde du 16 septembre 2005

Arestrup dans l’ombre de Rilke

Il habite en poète ce spectacle sans concession et sans faiblesse. On ne sait trop si cet éloge de la solitude (thème central de l’oeuvre de Rilke avec celui de la chair) où le créateur trouve dans la profondeur de soi sa raison d’être, si cette leçon d’indépendance et de rigueur où chacun n’a d’autre juge que sa propre conscience, peut encore toucher, dans un monde où l’imaginaire est collectif et la morale communautaire, un public auquel on serine sans cesse que l’homme a pour vocation et devoir d’être un animal de troupeau. Niels Arestrup, quant à lui, fait tout pour que cette parole aristocratique et libertaire soit entendue et comprise. Qu’il en soit remercié.

Extrait de la critique de Pierre Marcabru parue dans le Figaro du 24 septembre 2005

Totale osmose

Niels Arestrup aime les « Lettres à un jeune poète » de Rainer Maria Rilke au point d’y revenir régulièrement. Le spectacle, qu’il donne à présent au théâtre La Bruyère, il l’a déjà donné il y a une douzaine d’années, aux Bouffes du Nord et ailleurs. Mais il le reprend, le creuse, le mûrit, le bonifie. Il y a là des vérités aussi utiles pour celui qui les prononce que pour ceux qui les entendent. L’écrivain autrichien conseille, en effet, à tous les artistes de renoncer aux trucages de la vie et de la société. Dans la bouche d’un acteur qui a enchaîné le pire et le meilleur, le banal et le sublime, les mots de Rilke sonnent comme un remords, en tout cas comme un moment de mise en question, de dialogue avec soi-même.

Extrait de la critique de Gilles Costaz parue dans Les Echos du 19 septembre 2005

Source bibliographique

Lettres à un jeune poète de Rainer Maria Rilke ( Grasset, Cahiers Rouges)
Dossier de presse de la pièce jouée au Théâtre de la Bruyère à partir de septembre 2005