Cette pièce en 1 acte a été créée au Théâtre de l’Alliance française en décembre 1962.
Résumé
Le roi Bérenger 1er règne sur un territoire indéterminé. Au lever du rideau, le Garde annonce solennellement la Cour. Le roi Bérenger 1er entre dans la salle du trône et en sort immédiatement. Il est suivi des deux reines, Marguerite (première épouse du roi) et Marie (seconde épouse du roi, sa préférée), de Juliette (femme de ménage et infirmière) et du Médecin qui occupe diverses fonctions.
Cette salle du trône est sale et inconfortable. Il y fait froid. Le chauffage refuse de fonctionner, le soleil se rebelle et les murs du palais se fissurent.
La reine Marie se lamente de cette dégradation, ce qui ne plait guère à la reine Marguerite qui lui reproche sa frivolité et sa désinvolture.
Il est devenu nécessaire d’annoncer au roi que la fin de son règne est proche. La reine Marie refuse l’évidence et ose croire que le roi pourra échapper à son destin.
La reine Marguerite fait preuve d’une froide lucidité : le sol se dérobe, le royaume ne dispose plus d’une armée digne de ce nom, la démographie est en berne et la population vieillit, le roi est malade…
Le Médecin est formel, il n’est plus possible de l’opérer. Même les astres sont contre le royaume : le drame est inévitable.
Bérenger Ier entre dans la salle du trône les pieds nus. Il se plaint de l’état de l’Univers, du Royaume, et aussi de sa santé. Il consulte son médecin qui ne lui laisse aucun espoir.
Le roi refuse d’admettre l’évidence, même s’il reconnaît que tout ne va plus aussi bien que par le passé . Il croit en son pouvoir : « Je mourrai dit-il quand je voudrai, je suis le roi, c’est moi qui décide »
Toute la cour, à l’exception de la reine Marie, s’emploie à lui décrire son déclin irréversible. On lui rappelle la dégradation de son pouvoir, la détérioration de ses forces physiques, la fragilité de sa couronne et de son sceptre. Il tente en vain de commander la nature, les choses et les êtres qui l’entourent.
La reine Marguerite annonce alors le compte à rebours fatidique : « Tu vas mourir dans une heure vingt-cinq minutes ».
Le garde indique que la funèbre cérémonie va commencer.
Les personnages
- Bérenger Ier
- Marguerite (reine et première épouse)
- Marie (reine et deuxième épouse)
- Le Médecin (chirurgien, bactériologue, bourreau et astrologue)
- Juliette (femme de ménage, infirmière)
- Le Garde
Le Roi se meurt de Ionesco au Théâtre Hébertot
Avec
Michel Bouquet
Jacques Zabor
Jacques Echantillon
Valérie Karsenti
Juliette Carré
Nathalie Niel
Michel Bouquet
© François Darras
Mise en scène
Georges Werler
Notes de mise en scène
Plutôt souffrir que mourir, C’est la devise des hommes. La Fontaine
« C’est une fable qu’Eugène Ionesco nous raconte avec Le Roi se Meurt. Il y avait bien dans un pays imaginaire un vieux Roi solitaire qui sentait dans sa poitrine battre un cour qu’il croyait immortel. Il y avait dans un pays imaginaire un vieux Roi solitaire qui croyait tenir dans son poing un pouvoir éternel.
Puis un jour, alors qu’il était très vieux, alors qu’il était très jeune, tout bascula dans l’anarchie et dans l’horreur : le territoire se mit à rétrécir, à se rabougrir, les frontières à reculer ; la population se réduisit en une nuit à quelques vieillards, à quelques enfants goitreux, débiles mentaux, congénitaux. Tout s’effondra. Ce fut la fin du monde et la fin d’un long règne.
Cet univers qui se détruit, c’est la projection du mental d’un Roi qui se désagrège, entraînant tout dans son néant. Pour que la vie reprenne, il faut que le Roi passe, que le Roi meurt afin que tous puissent hurler ensemble à nouveau : « Vive le Roi ! » La Royauté, les Courtisans, l’Armée, le Peuple ne peuvent survivre et se régénérer qu’en abreuvant la nouvelle royauté de la mort de l’ancienne.
C’est donc à cette cérémonie, farce métaphysique du grand départ du Roi, que nous convie Ionesco. Il nous oblige à regarder de face ce qui nous fait si peur. Peu à peu, Béranger Ier va se détacher de tous les liens matériels qui le nouent à la vie ; il va se libérer de toutes les entraves de ce monde et pourra ainsi entreprendre le dernier voyage. Il a accepté l’inéluctable, le grand rendez-vous avec la mort – mais va-t-il mourir ?
Un jour que Michel Bouquet et moi lui rendions visite, Ionesco nous a affirmé qu’il ne savait pas si Béranger mourait, mais avec un sourire malicieux et tendre, il a ajouté ce qui est sûr, c’est qu’il disparaît. Oui, Béranger Ier disparaît et avec lui disparaissent un peu de nos inquiétudes, Ionesco nous fait rire de nous-même, de nos angoisses, voire de nos terreurs. »
Georges Werler
Revue de presse
» Jamais peut-être la pièce d’Eugène Ionesco, n’a paru aussi contemporaine. L’air du temps sans doute qui voit un pays scruter chaque sortie de son Président entre compassion et voyeurisme. On suit Michel Bouquet, plus grand que jamais, dans son combat désespéré avec en tête l’image d’un autre monarque. Et puis à mesure que Bérenger 1er se dépouille de ses attributs royaux et de ses illusions, on oublie l’actualité. Si le roi se meurt, c’est de notre mort, de ma mort qu’il parle. La salle devient silencieuse, grave, vraie.
Ne ratez pour rien au monde cette pièce devenue un grand classique. Bouquet réinvente le rôle créé par Jacques Mauclair qui s’y est identifié avec quel talent, c’est tout dire. Il est très bien entouré notamment par Juliette Carré, la vieille reine qui l’aide à se dépouiller de ses dernières illusions (…). For-mi-da-ble ! » (Gilles Costaz, Le Journal du Dimanche)
Source bibliographique
Grandes oeuvres de la Littérature française de Jean-Pierre de Beaumarchais et Daniel Couty ( Editions Larousse)
La Littérature du XXème Siècle (Nathan, Collection Henri Mitterand)
Dictionnaire de la Littérature française du XXème siècle (Albin Michel, Encyclopaedia Universalis)
Le Robert des Grands Ecrivains de langue française